Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/377

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même en avoit faites, et je tombai enfin sur les inconvénients qui en résultoient.

Je me servis, non sans cause, de la piété, de l’exemple, de la tentation nouvelle, ajoutée à celle de la chose même, qui précipiteroit toutes les femmes entre les bras des rois, le scandale de l’égalité entière entre le fils du sacrement et le fils du double adultère, c’est-à-dire après deux générations, de l’égalité parfaite, de l’égalité de la postérité des rois légitime et illégitime, comme on le voyoit déjà entre M. le duc de Chartres et les enfants de M. du Maine ; et ces remarques ne furent point languissantes.

Le Dauphin, satisfoit de son exorde, et peut-être content du mien, excité après par mes paroles, m’interrompit et s’échauffa. Cette application présente le frappa vivement. Il se mit sur la différence d’une extraction qui tire toute celle qui la distingue si grandement de son habileté innée à la couronne, d’avec une autre qui n’est due qu’à un crime séducteur et scandaleux qui ne porte avec soi qu’infamie. Il parcourut les divers et nombreux degrés par lesquels les bâtards (car ce mot fut souvent employé) étoient montés au niveau des princes du sang, et qui, pour leur avantage, avoient élevé ce niveau de tant d’autres degrés à nos dépens. Il traita de nouveau le point du sacre énoncé dans l’édit ; et, s’il avoit paru intolérable dans les princes du sang, il lui sembla odieux, et presque sacrilége dans les légitimés. Dans tout cela, néanmoins, de fréquents retours de respect, d’attendrissement même et de compassions pour le roi, qui me firent admirer souvent la juste alliance du bon fils et du bon prince dans ce Dauphin si éclairé. Sur la fin se concentrant en lui-même : « C’est un grand malheur, me dit-il, d’avoir de ces sortes d’enfants. Jusqu’ici Dieu me fait la grâce d’être éloigné de cette route ; il ne faut pas s’en élever. Je ne sais ce qui m’arrivera dans la suite. Je puis tomber dans toutes sortes de désordres, je prie Dieu de m’en préserver ! mais je crois que, si j’avois des bâtards, je