Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/383

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parce qu’il avoit eu un apanage dont Monseigneur et lui avoient signé l’acte, ce qui opéroit sa renonciation à la succession du roi et à celle de Monseigneur, comme en étant déjà rempli d’avance. Cela fut jugé de la sorte devant le roi, qui en même temps lui donna, par une augmentation d’apanage, tout ce qui lui seroit revenu de son partage outre le meuble et les diamants. Pendant que tout cela s’agitoit, le roi fit hâter le partage et la vente des meubles, dans la crainte que celui de ses deux petits-fils à qui Meudon demeureroit n’en voulût faire usage, et partageât ainsi la cour de nouveau.

Cette inquiétude étoit vaine. On a vu qu’il devoit être pleinement rassuré là-dessus du côté du Dauphin, et à l’égard de M. le duc de Berry qui n’auroit osé lui déplaire ; la suite d’un prince cadet, quand même il auroit usé de Meudon, n’auroit pas rendu la cour moins grosse, surtout dès qu’on s’y seroit aperçu que ce n’auroit pas été faire la sienne au roi qu’être de ces voyages. Ce prince, qui dans tout son apanage n’avoit aucune demeure, désiroit passionnément Meudon, et Mme la duchesse de Berry encore davantage. Mon sentiment étoit que le Dauphin lui fît présent de toute sa part ; il vivoit de la couronne en attendant qu’elle tombât sur sa tête ; il ne perdoit donc rien à ce don ; il y gagnoit au contraire le plaisir, la reconnoissance, la bienséance même, d’un bienfoit considérable, et plein de charmes pour M. son frère, et pour Mme la duchesse de Berry, qui recevroit sûrement un applaudissement universel. M. de Beauvilliers, à qui je le dis, ne me surprit pas peu par un avis contraire. Sa raison, qu’il m’expliqua, fut que rien ne seroit plus dangereux que donner occasion et tentation à M. [le duc] et à Mme la duchesse de Berry d’une cour à part qui déplairoit souverainement au roi, et qui tout au plus différée après lui, sépareroit les deux frères, et deviendroit la source sinon de discorde, du moins de peu d’union ; qu’il falloit que l’aîné jouît de tous ses avantages,