Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

établi et soutenu comme il l’étoit dans l’entière confiance du roi, et ancré déjà par son grand-père dans l’exercice, et en la disposition même en partie des affaires, ne manqueroit pas d’occasions et de moyens journaliers de lui plaire, et de s’établir de plus en plus dans son cœur, dans son esprit, et dans toute l’administration. Il me sembloit et il me semble encore que mon raisonnement là-dessus étoit juste et solide. Aussi devint-il celui de tout le monde, mais il ne persuada point M. de Beauvilliers.

Meudon demeura au Dauphin, et tout ce qui regarda cette succession fut traité avec la même rigueur. Elle ne fit pas honneur dans le monde, ni un bon effet en M. [le duc] et Mme la duchesse de Berry, à qui je me gardai bien de laisser entrevoir quoi que ce soit là-dessus. Mais il n’étoit pas indifférent au bien dont il avoit peu à proportion de ses charges, et dont il dépensoit avec fort peu de mesure, et poussé de plus par Mme la duchesse de Berry, haute avec emportement, et déjà si éloignée de cœur du Dauphin, surtout de la Dauphine. Ils se turent sagement, n’imaginèrent pas que le duc de Beauvilliers eût aucune part en cette affaire, et ne tardèrent pas à vendre beaucoup de diamants de leur héritage pour remplir les vides que leurs fantaisies avoient déjà creusés dans leurs affaires.




CHAPITRE XVI.


Je vois souvent le Dauphin tête à tête. — Le Dauphin, seul avec moi, surpris par la Dauphine. — Ma situation à l’égard de la Dauphine. — Mérite de Mme de Saint-Simon m’est très-utile. — Aversion de Mme de Maintenon pour moi ; sur quoi fondée. — Je travaille à unir M. le duc d’Orléans au Dauphin. — Intérieur de la famille royale,