Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/392

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du Maine, et sur lesquels j’étois averti et défendu souvent par Maréchal. Je ne puis donc comprendre encore d’où m’est venue, et moins encore comment a pu subsister constamment la considération, même personnelle, que le roi m’a toujours montrée, depuis l’audience que Maréchal m’en procura (t. VII, p. 443) jusqu’à sa mort, ni comment il a tenu à un intérieur si intime et qui m’étoit si contraire, et dans les crises qu’on a vues depuis cette audience, et dans celles qu’on verra dans la suite. Quelquefois il se piquoit de caprice et de certaines choses contre Mme de Maintenon. M. du Maine, timide et réservé, laissoit à elle et aux valets à me nuire. Je n’ai jamais su qu’il m’eût desservi auprès du roi expressément et à découvert. Il n’alloit jamais qu’entre deux terres, et on verra qu’il me ménagea toujours personnellement en tout ce qui put me marquer son extrême envie de me raccrocher, et sa patience sans mesure à ne se lasser point de son peu de succès avec moi.

Parmi tant de choses générales et particulières qui m’occupoient, je ne l’étois pas peu d’unir bien M. le duc d’Orléans avec le Dauphin, et pour cela de le lier avec le duc de Beauvilliers. Tout m’y secondoit, excepté lui et Mme sa fille, ce qui est étrange à concevoir, d’autant plus que ce prince en sentoit la convenance et le besoin, et qu’il le désiroit. L’obligation si prodigieuse de ce grand mariage qu’il avoit fait, la liaison qui s’en maintenoit entière entre la Dauphine et la duchesse d’Orléans, celle qui subsistoit en leur manière entre M. le duc d’Orléans et le duc de Chevreuse, la partialité publique et non interrompue de ce prince pour l’archevêque de Cambrai, et le coin des jésuites qu’il avoit toujours utilement ménagé, tout cela étoit de grandes avances vers le but que je me proposois. Leur contredit n’étoit guère moindre. Les mœurs de M. le duc d’Orléans, l’affection de se parer de ses débauches et d’impiété, des indiscrétions là-dessus les plus déplacées, faisoient fuir le Dauphin et rebroussoient infiniment son ancien gouverneur.