Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/393

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Il étoit d’ailleurs en brassière du côté du roi, à qui la conduite de son neveu étoit par plus d’un endroit odieuse, et cet autre endroit va être expliqué, et la brassière étoit redoublée par la haine de Mme de Maintenon pour M. le duc d’Orléans, que le mariage de sa fille n’avoit point émoussée, dans le temps même qu’elle le faisoit.

Ce mariage, qui auroit dû être un centre de réunion, étoit devenu entre eux tous un flambeau de discorde. On a vu ici (p. 149 ci-dessus) quelques traits du caractère terrible de Mme la duchesse de Berry, dont la galanterie étrangement menée, et plus singulièrement étendue, n’étoit pas à beaucoup près le plus mauvais côté en comparaison des autres. On a vu son ingratitude et la folie de ses desseins. L’élévation de son beau-frère et de sa belle-sœur, à qui elle devoit tout, n’avoit fait qu’exciter sa jalousie, son dépit, sa rage ; et le besoin qu’elle avoit d’eux portoit les élans de ces passions à l’excès. Nourrie dans l’aversion de Mme la duchesse d’Orléans et dans l’indignation du vice de sa naissance, elle ne s’en contraignit plus dès qu’elle fut mariée. Quoiqu’elle dût ce qu’elle étoit devenue à sa mère et à la naissance de sa mère, quoiqu’elle en eût sans cesse reçu toute sorte d’amitié et nulle contrainte, cette haine et ce mépris pour elle éclatoit à tous moments par les scènes les plus scandaleuses, que la mère étouffoit encore tant qu’elle pouvoit, et qui ne laissèrent pas souvent d’attirer à la fille de justes et rudes mercuriales du roi, et même de Madame, qui n’avoit pourtant jamais pu s’accoutumer à la naissance de sa belle-fille ; et ces mercuriales, qui contenoient pour un temps, augmentoient encore le dépit et la haine. Outre un naturel hardi et violent, elle se sentoit forte de son mari et de son père.

M. le duc de Berry, né bon, doux, facile, en étoit extrêmement amoureux, et, outre que l’amour l’aveugloit, il étoit effrayé de ses emportements. M. le duc d’Orléans, comme on ne le verra que trop dans la suite, étoit la faiblesse