Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/397

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duc d’Orléans m’y vint surprendre. Excuses, propos, tout ce qui se peut dire de plus touchant. Je demeurai longtemps sur la glace du silence, puis du respect ; à la fin je me mis en colère, et m’en expliquai tout au plus librement avec lui. Ce ton-là leur déplut moins que le premier ; ils redoublèrent d’excuses, de prières, de promesses de fidélité et de secret à l’avenir. L’amitié, je n’oserois dire la compassion de sa faiblesse, me séduisit. Je me laissai entraîner dans l’espérance que je mis dans la bonté de cette leçon, et, pour le faire court, nous nous raccommodâmes, mais avec résolution intérieure et ferme de le laisser vivre avec Mme sa fille sans lui en jamais parler, et d’être très-sobre avec lui sur tout ce qui la regarderoit d’ailleurs.

Depuis que j’avois reconnu Mme la duchesse de Berry, je la voyois fort rarement, et je m’étois défait de tout particulier avec elle. Mais elle venoit quelquefois me trouver dans ma chambre, sous prétexte d’aller chez Mme de Saint-Simon, et m’y tenoit des heures tête à tête quand elle se trouvoit dans l’embarras. Depuis cette aventure je ne remis de longtemps le pied chez elle, et ailleurs je lui battis si froid que je lui fis perdre l’habitude de me venir chercher. Dans la suite, pour ne rien trop marquer, j’allois à sa toilette publique une fois en deux mois et des moments chaque fois ; et tant qu’elle a vécu je ne m’en suis pas rapproché davantage, malgré force agaceries directes et indirectes, qui ont souvent recommencé et auxquelles j’ai constamment résisté. C’est une fois pour toutes ce qu’il falloit expliquer de cet intérieur de famille royale, et du mien avec eux tous. Revenons maintenant d’où je suis parti.

La lueur de raison et de religion qui parut en M. le duc d’Orléans, après sa séparation d’avec Mme d’Argenton, n’avoit pas été de longue durée, quoique de bonne foi pendant quelque temps, et peut-être allongée de politique jusqu’au mariage de Mme la duchesse de Berry, qui suivit cette rupture de cinq ou six mois. L’ennui, l’habitude, la mauvaise