Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/40

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s’en moquoit lui-même et de ses frayeurs, car il avoit peur de tout et en faisoit les contes les plus comiques. Ce faiseur d’or-ci l’amusa et le trompa enfin comme les autres, et lui coûta bien de l’argent qu’il regretta fort, car il ne négligeoit pour en amasser aucun des moyens que sa faveur lui pouvoit fournir. Seigneurs et ministres le comptoient et le ménageoient comme un homme fort dangereux, et lui aussi, pourvu qu’il ne fût pas poussé, connoissoit à qui il avoit affaire, et ne laissoit pas de se ménager aussi avec eux. Il tenoit fort à la cabale de Meudon et assez à celle des seigneurs.

Dès le commencement de décembre, le roi déclara qu’il vouloit qu’il y eût à Versailles des comédies et des appartements, même lorsque Monseigneur seroit à Meudon, contre l’ordinaire. Il crut apparemment devoir tenir sa cour en divertissements pour cacher mieux au dehors, et au dedans s’il l’eût pu, le désordre et l’extrémité des affaires. La même raison fit qu’on ouvrit de bonne heure le carnaval, et qu’il y eut tout l’hiver force bals à la cour de toutes les sortes, où les femmes des ministres en donnèrent de fort magnifiques, et comme des espèces de fêtes, à Mme la duchesse de Bourgogne et à toute la cour ; mais Paris n’en demeura pas moins triste, ni les provinces moins désolées.




CHAPITRE III.


Prince de Conti, Médavy, du Bourg, Albergotti, Goesbriant reçus chevaliers de l’ordre. — Singularités sur le prince de Conti. — Goesbriant gouverneur de Verdun. — Mariage de Châtillon avec une fille de Voysin. — Électeur de Cologne, à Paris et à la cour, dit la messe à Mme la duchesse de Bourgogne. — Son étrange