Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/423

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Le vieux Serrant mourut aussi extrêmement vieux, dans sa belle maison de Serrant en Anjou, où il étoit retiré depuis longues années. Il avoit été maître des requêtes et surintendant de Monsieur. Il étoit Bautru, bourgeois de Tours, extrêmement riche, oncle et beau-père de Vaubrun, grand-père de l’abbé de Vaubrun et de la duchesse d’Estrées. Son petit-fils, le chevalier de Maulevrier, Colbert par son autre fille, mourut en même temps de la petite vérole, fort aimé, estimé et regretté à la guerre, où il s’étoit fort distingué, et étoit devenu maréchal de camp fort jeune. Son père étoit frère de M. Colbert, mort étrangement, chevalier de l’ordre, de douleur de n’être pas maréchal de France, qu’il méritoit. M. de Louvois, pour l’en empêcher, ne pouvant pis, lui fit donner l’ordre en 1688.

En même temps mourut aussi la princesse de Fürstemberg. On a vu (t. II, p. 400) qui étoit son mari, qui fut le dernier de sa maison, des premiers et des plus anciens comtes de l’empire, et dont le père en avoit été fait prince, qui étoit frère de l’évêque de Strasbourg et du cardinal de Fürstemberg. La princesse de Fürstemberg étoit fille unique et fort riche de Ligny, maître des requêtes, et de la sœur de la vieille Tambonneau, et de la mère du duc et du cardinal de Noailles. Elle avoit été extrêmement jolie, faite à peindre, et quoique boiteuse, dont elle ne se cachoit point, elle avoit été une des meilleures danseuses de son temps. C’étoit la meilleure et la plus aimable femme du monde, dont elle étoit extrêmement, et d’une naïveté très-plaisante. Elle étoit amie intime de la duchesse de Foix, et logeoit et couchoit à Versailles avec elle. Un soir que Mme de Foix s’étoit amusée fort tard à jouer chez M. le Grand, elle trouva la princesse de Fürstemberg couchée, qui, d’une voix lamentable, lui dit qu’elle se mouroit, et que c’étoit tout de bon. Mme de Foix s’approche, lui demande ce qu’elle a ; l’autre dit qu’elle ne sait, mais que depuis deux heures qu’elle est au lit, les artères lui battent, la tête lui fend, et qu’elle a une sueur