Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/47

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que le roi laissa à sa famille. Leur nom est Pas, bonne et ancienne noblesse de Picardie. Son père fut tué approchant fort du bâton, vers lequel il avoit rapidement et vertueusement couru ; et son grand-père s’étoit signalé dans les plus importantes négociations de son temps, sur les traces duquel Rebenac, frère de celui-ci, commençoit à marcher quand il mourut, et avec cela ils n’ont jamais pu rien obtenir de la fortune que le gouvernement de Verdun, qui fut donné à Goesbriant. Son fils mourut bientôt après lui sans enfants ; et sa fille unique, dont la mère étoit fille du marquis d’Hocquincourt, chevalier de l’ordre, fils du maréchal, laquelle hérita de tous ses frères, porta tous ses biens à un Seiglière, dont la vie honteuse a même déshonoré jusqu’à la bassesse de sa naissance, et dont la mère, fille du marquis de Soyecourt, chevalier de l’ordre et grand veneur, avoit aussi hérité de ses deux frères, tués sans alliance tous deux à la bataille de Pleurus ; et voilà comme on donne des filles de qualité à des vilains, parce qu’ils les prennent pour rien, desquelles après ils ont tous les biens de leurs maisons ! Ce fameux Soyecourt est mort fugitif à Venise, sa femme bientôt après ; et leur fils a eu un régiment, tandis que les gens les plus qualifiés n’en peuvent obtenir du cardinal Fleury : Similis simili gaudet. Cela se retrouve en tout. Il n’y a plus d’Hocquincourt, qui est Monchy, ni de Pas. Rebenac n’a laissé que Mme de Souvré, mascarade de Tellier ; et leur troisième frère est mort fort vieux, sans enfants de la fille de Mignard, ce peintre fameux qui, pour sa beauté, l’a peinte en plusieurs endroits de la galerie de Versailles et dans plusieurs autres de ses ouvrages.

Estrades mourut presque en même temps. Il étoit fils aîné de ce maréchal d’Estrades, si capable dans son métier, et si célèbre par le nombre, l’importance et le succès de ses négociations, et qui mourut, en 1686, en février, à soixante-dix-neuf ans, gouverneur de M. le duc de Chartres. Il venoit de conclure et de signer la paix à Nimègue en 1678.