Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/82

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de servir Mme la Duchesse et de se faire un mérite de [leurs] soins. Le formidable triumvirat se remua solidement, et Monseigneur, tout asservi qu’il étoit à suivre les moindres impulsions du roi, ne put refuser Mme la Duchesse à ce coup de parti de laisser nommer son auguste nom tout bas à l’oreille de ses juges.

Mais la robe du parlement est toute différente de celle du conseil. La première est sans commerce avec la cour, comme elle vit sans espérance d’elle. Elle n’a point de part aux intendances, aux places de conseiller d’État, aux emplois brillants qui dévouent celle du conseil à la fortune. La robe du parlement n’est pas insensible à se dédommager d’un état fixe et borné par le mépris de ceux qui distribuent les grâces, et les occasions lui en sont d’autant plus chères qu’elles se rencontrent plus rarement.

Cet esprit parut dans celle-ci, où le parti des princesses ne négligea pas de piquer le courage des juges par les propos et le triomphe anticipé de celui de Mme la Duchesse. Ces princesses, assidues à leur conseil et à leurs sollicitations, les firent avec apparat, mais elles y ajoutèrent le solide en plaidant elles-mêmes leur cause qu’elles possédoient fort bien. Elles demeuroient des heures entières et souvent davantage avec chaque juge, et elles le ravissoient de se montrer si instruites. M. du Maine les voyoit à part et résumoit avec eux ce qui s’étoit dit aux visites des princesses. Lui-même travailloit aux écritures, et procuroit par de sourdes mais fortes sollicitations le fruit à son travail. Son crédit auprès du roi n’étoit pas ignoré au parlement, ni sa partialité effective pour ce fils bien-aimé, qui fit impression sur ceux qui comptèrent le temps présent ; et dans la vérité, les dernières années surtout de M. le Prince avoient tellement informé le public de presque toute sa vie qu’on fut moins indigné que persuadé de tout ce qui fut plaidé sur l’état de son esprit, avec une licence fort indécente. Il fut surprenant combien peu de gens demeurèrent neutres. Le