Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/139

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voir davantage, et qu’il n’avoit qu’à jeter là tous ces papiers dans le feu. Le duc nous assura qu’il ne se l’étoit pas fait dire deux fois, d’autant qu’il avoit déjà avisé au fond un petit bout de mon écriture, qu’il avoit promptement couvert en prenant d’autres papiers pour en lire les titres au roi, et qu’aussitôt qu’il lui eut lâché la parole, il rejeta confusément dans la cassette ce qu’il en avoit tiré de papiers et mis à mesure sur la table, et avoit été secouer la cassette derrière le feu entre le roi et Mme de Maintenon, pris bien garde en la secouant que ce mémoire de ma main qui étoit grand et épais fût couvert d’autres, et qu’il avoit eu grand soin d’empêcher avec les pincettes qu’aucun bout ne s’écartât, et de voir tout bien brûlé avant de quitter la cheminée. Nous nous embrassâmes dans le soulagement réciproque, qui fut proportionné pour ce moment au péril que nous avions couru.




CHAPITRE VI.


Dauphine empoisonnée. — Le maréchal de Villeroy, raccommodé avec le roi, devient tout d’un coup favori. — Le Dauphin empoisonné. — Le duc du Maine et Mme de Maintenon persuadent le roi et le monde que M. le duc d’Orléans a fait empoisonner le Dauphin et la Dauphine. — Crayon de M. le duc d’Orléans. — Éclats populaires contre M. le duc d’Orléans. — Cri général contre M. le duc d’Orléans. — Conduite de la cour à son égard. — Maréchal de Villeroy et autres principaux. — Embarras du duc de Noailles, qui se dit en apoplexie et s’en va à Vichy.


Les horreurs qui ne se peuvent plus différer d’être racontées glacent ma main. Je les supprimerois si la vérité si entièrement due à ce qu’on écrit, si d’autres horreurs qui