Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/193

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de Noailles, qui ne lui étoit rien moins que favorable. Ils l’envoyèrent à Rome et le firent imprimer. Ce mémoire au moins ne fut pas trouvé dans sa cassette, à ce qu’on a pu voir plus haut ; il put l’être ailleurs ; c’est ce qui ne peut se discuter avec exactitude. Je puis hardiment protester de la mienne sur les sentiments de ce prince que j’ai rapportés et sur ce qui s’est passé de lui à moi et encore si peu de jours avant la mort de Mme la Dauphine ; et c’est-à-dire avant la sienne. Ce mémoire, s’il est tel qu’on l’a publié, a pu être des commencements de l’affaire, dans l’esprit de M. de Cambrai et dans les préjugés des ducs de Chevreuse et de Beauvilliers. Il a pu jeter sur le papier le pour en attendant le contre ; on a donné ce pour, et si le contre s’est trouvé il a été bien supprimé. Ce qui me fait en juger ainsi est la différence entière de ce mémoire avec les sentiments dans lesquels je ne puis douter que ce prince soit mort, et qu’il étoit très-incapable de me vouloir tromper ni personne en me mentant sans aucune raison ni besoin, et voulant se servir de moi dans cette même affaire, où il auroit été étrangement peu d’accord avec soi-même, ce qui étoit radicalement opposé à son caractère. La cabale ennemie du cardinal de Noailles ne laissa pas de triompher, armée de ce grand nom, mais ce triomphe, bâti sur un fondement si peu solide par le tissu même de l’écrit tel qu’ils le publièrent, ne fut pas de longue durée. Il tomba bientôt de lui-même, mais c’en fut toujours assez pour éblouir et pour gagner du temps.

On fit à Saint-Denis, le lundi 18 avril, le service et l’enterrement des deux Dauphins et de la Dauphine, épouse et mère. M. le duc d’Orléans et M. le comte de Charolois y furent les princes du deuil. Il fut singulier qu’il n’y en eut pas un troisième. Le roi qui avoit envoyé le comte de Toulouse à l’eau bénite, et le duc du Maine au convoi, comme princes du sang, trouva apparemment trop fort d’y faire figurer un d’eux à Saint-Denis. Il y eut pourtant trois princesses du deuil, parce que la cérémonie étoit double pour prince et