Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/204

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dans le monde, quoique si emmuselé par elles, à celui qui s’étoit ravalé à leur servir de prévôt.

Il arrive assez souvent que les événements les plus tristes sont suivis de quelque farce imprévue qui divertit le public lorsqu’il y pense le moins. La maison du duc de Tresmes en fournit une qui fit un étrange éclat, et qui amusa beaucoup le monde. Il avoit marié son fils aîné à Mlle Mascrani, comme je l’ai marqué en son temps. C’étoit la fille unique d’un maître des requêtes qui avoit des biens immenses, qui n’avoit plus ni père ni mère, qui étoit sous la tutelle de l’abbé Mascrani, frère de son père lorsqu’elle se maria, et dont les Caumartin, frères de sa mère et amis intimes du duc de Tresmes de tout temps, avoient fait le mariage. Elle n’étoit plus enfant lorsqu’il se fit. Avec ses richesses, elle crut qu’elle alloit être heureuse ; elle ignoroit que ce n’étoit pas le sort des femmes des Potier. Mme de Revel, veuve sans enfants, et sœur peu riche du duc de Tresmes, vint loger chez lui pour gouverner sa belle-fille, qui ne se trouva pas facile à l’être, ni la tante bien propre à cet emploi. Des mésaises on en vint aux humeurs, puis aux plaintes, après aux querelles et aux procédés, enfin aux expédients. La jeune femme avoit plus d’esprit que les Gesvres, elle sut mettre toute sa famille dans ses intérêts, jusqu’aux Caumartin qui s’embrouillèrent enfin avec les Gesvres. Elle s’enfuit chez la vieille Vertamont, sa grand’-mère maternelle, qui l’avoit élevée, et qui en étoit idolâtre, et de cet asile fit signifier une demande de cassation de son mariage pour cause d’impuissance. Les factums de part et d’autre mouchèrent. On peut juger ce qu’une telle matière fournit, et quelle source d’ordures et de plaisanteries. L’affaire se plaida à l’officialité [1]. Le marquis de Gesvres prétendit n’être point impuissant, et comme c’étoit chose de fait, il fut ordonné qu’il seroit visité par des chirurgiens, et

  1. Tribunal de l’évêque, tenu par un juge d’église appelé official.