Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/258

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ce commerce, et qu’il se prît à eux de la roideur des Anglois, et de leurs propositions de formes, qui, selon ses délicates et si sensibles préventions, attaqueroient aux yeux de toute l’Europe son autorité si chérie, et lui feroient recevoir l’affront de souffrir que celle de ses sujets la confirmât, et y parût nécessaire. Je les pressai sur le désespoir où le roi se trouveroit d’acheter la paix à ce prix, ou de continuer une guerre qu’il savoit si précisément ne pouvoir soutenir, et dont le poids l’avoit forcé aux conditions les plus honteuses et les plus dommageables, qu’il avoit même vu mépriser, et de laquelle il sortoit par le moyen de l’Angleterre, sans qu’il fût plus question de lui en imposer que d’honnêtes. J’avois affaire à deux princes fort différents, mais tout semblables pour l’excès de la timidité. M. le duc de Berry, tenu de très-court depuis son enfance, étoit accoutumé à dépendre du roi jusque pour les choses les plus ordinaires et les plus indifférentes, et à trembler sous son moindre sérieux. M. le duc d’Orléans ne le craignoit guère moins. Il étoit de plus si battu de l’oiseau par les diverses aventures de sa vie, qu’il étoit tout aussi éloigné que M. le duc de Berry de s’exposer à sa colère. Ce furent les armes dont je me servis contre moi-même, et pour les ramener à ce que je voulus, en ruinant ce que j’avois édifié.

C’étoit à quoi j’étois occupé, lorsque, tout à la fin du voyage de Fontainebleau, je fus averti de la chose du monde que pour lors je méritois le moins. Nancré y avoit fait quelques tours ; il avoit écumé quelques mots de fins de conversations, interrompues par son arrivée deux ou trois fois, entre M. le duc d’Orléans et moi. Il avoit eu, comme je l’ai dit en son lieu, la charge de capitaine de ses Suisses, par Mme d’Argenton, sur Saint-Pierre, pour qui Mme la duchesse d’Orléans la vouloit alors, qui de pique le fit depuis son premier écuyer, contre le gré de M. le duc d’Orléans ; et cela avoit fait de grandes brouilleries. Nancré étoit un bourgeois de Paris qui s’appeloit Dreux, de même famille