Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/263

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sur la hanche, et passa pour un brave à quatre poils qu’il ne falloit pas choquer. Ce fut par ces bravades que le cardinal Mazarin, qui en avoit aisément peur, et qui vouloit aussi s’en attacher partout, le poussa dans les gens d’armes que Miossens commandoit, si connu depuis sous le nom de maréchal d’Albret, et si compté à la cour et dans le monde. La Salle sut si bien lui faire sa cour et se faire passer d’ailleurs pour un brave important, qu’il eut la compagnie quand le maréchal d’Albret la quitta en 1666. Il poussa son fils dans cette compagnie quoique jeune, car il étoit de 1646 ; il se trouva de la valeur et de l’honneur, et il monta assez vite. M. de Soubise étoit dans la même compagnie ; il y étoit entré pauvre gentilhomme, et fort éloigné d’imaginer de devenir prince et fort riche ; la beauté de sa seconde femme et la bonté du roi firent ce miracle. Il étoit en son plus doux mouvement lorsque La Salle mourut et laissa la compagnie des gens d’armes vacante en 1672. M. de Soubise l’obtint, mais le fils de son prédécesseur l’y importuna. Il pensa toujours de loin pour fonder des établissements avec son grand secours domestique. Il voulut ranger de bonne heure tout obstacle à pouvoir assurer sa charge à sa famille. La Salle servoit bien, ne vouloit point quitter, et il avoit la fantaisie d’espérer de succéder à M. de Soubise. Cette folie fit sa fortune ; il y en avoit au crédit où étoit Mme de Soubise ; d’ailleurs cette espérance auroit pu être fondée sur l’âge de M. de Soubise qui avoit quinze ans plus que lui, et sur les hasards de la guerre. La conjoncture heureuse qui se présenta fit l’affaire de tous les deux.

Il y avoit plusieurs années que Vardes étoit chassé pour avoir eu une part principale dans l’affaire qui perdit la comtesse de Soissons et le comte de Guiche, et qui touchoit le roi si fort immédiatement [1]. Vardes étoit un favori qui par sa trahison attira sur soi plus de colère ; il fut envoyé à Aigues-

  1. L’aventure à laquelle Saint-Simon fait allusion a été racontée en détail par les contemporains. Voy. notes à la fin du volume.