Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/273

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piété. Il retourna loger avec sa mère, où toute sa piété ne put le défendre de l’amour pour sa propre tante.

Mme de Chevreuse étoit fille du second duc de Montbazon, frère du premier et d’une Lenoncourt, et sœur de père et de mère du prince de Guéméné, depuis troisième duc de Montbazon, si connu par son esprit, père du quatrième duc de Montbazon, mort fou et enfermé à Liége, et du chevalier de Rohan, décapité à Paris devant la Bastille, pour crime de lèse-majesté, en 1674, le 17 janvier. Le père de Mme de Chevreuse épousa en secondes noces une Avaugour ou Vertus, des bâtards de Bretagne, de laquelle il eut M. de Soubise, dont la mort a été rapportée il n’y a pas longtemps, et deux filles, dont l’aînée fut abbesse de la Trinité de Caen, puis de Malnoue, et mourut en 1682, et c’est la cadette dont il s’agit ici. Elle avoit quarante ans juste moins que sa sœur la duchesse de Chevreuse, qui étoit de 1600, et elle de 1640. Elles avoient perdu leur père commun en 1654, et sa mère à elle en 1657. Mme de Chevreuse l’avoit élevée, et pris soin d’elle comme de sa fille. Elle eut envie d’être religieuse, et elle entra même au noviciat. Le duc de Luynes, éperdument amoureux, oublia tout ce qu’il avoit appris au Port-Royal sur les passions, et songea encore moins à tout ce que ces saints et savants solitaires auroient pu lui dire sur une novice et sœur de sa mère. Mme de Chevreuse, qui craignoit toujours son retour dans la retraite dont on avoit eu tant de peine à le tirer, eut tant de peur que le désespoir de ne pouvoir obtenir l’objet de sa passion ne le précipitât de nouveau dans la solitude, qu’elle pressa sa sœur de quitter le voile blanc, et qu’avec de l’argent, qui fait tout à Rome, elle eut dispense pour ce mariage, qu’elle fit en 1661, et qui fut fort heureux. Mme de Luynes étoit également belle et vertueuse. Elle eut deux fils et cinq filles, et mourut fort saintement à la fin de 1684, six ans avant le duc de Luynes, qui se remaria encore une fois.

M. de Chevreuse, qui étoit assez grand, bien fait, et d’une