Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/287

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prendre d’assaut. Il mourut en 1664, fort goutteux, à soixante-deux ans. Il ne laissa qu’un fils de sa première femme, et n’eut point d’enfants de la seconde, fille du duc de Brissac. Le maréchal de La Meilleraye et son fils furent tous deux séparément faits ducs et pairs parmi les quatorze que le roi érigea, et qu’il enregistra, et reçut en son lit de justice de décembre 1663 [1].

La duchesse de Charost mourut en même temps, à cinquante et un ans, après plus de dis ans de maladie, sans avoir pu être remuée de son lit, voir aucune lumière, ouïr le moindre bruit, entendre ou dire plus de deux mots de suite, et encore rarement, ni changer de linge plus de deux ou trois fois l’an, et toujours à l’extrême-onction après cette fatigue. Les soins et la persévérance des attentions du duc de Charost dans cet état furent également louables et inconcevables : et elle les sentoit, car elle conserva sa tête entière jusqu’à la fin avec une patience, une vertu, une piété, qui ne se démentirent pas un instant, et qui augmentèrent toujours. Le duc de Charost avoit épousé en 1680, étant fort jeune, la fille du prince d’Espinoy et de la sœur de son père, qui avoit valu, comme on l’a vu ailleurs, le tabouret de grâce à son mari. Mme de Charost mourut trois ans après, et laissa deux fils. Charost se remaria en 1692 à cette femme-ci, qui étoit Lamet et héritière. Le marquis de Baule, son père, tué lieutenant général à Neerwinden, avoit le gouvernement de Dourlens, qui passa à Charost et au fils unique qu’il eut de cette femme. Il l’avoit perdu depuis un an, âgé de seize ans, et le gouvernement lui revint ; et pour le dire tout de suite, le duc de Sully fut trouvé mort dans son lit par ses valets tout à la fin de l’année, à quarante-huit ans, qui entroient dans sa chambre pour l’éveiller. Il y avoit longtemps qu’il en étoit menacé, et qu’il s’endormoit partout et à toute heure. C’eût été un honnête homme et de

  1. Voy., t. 1er, p. 449, le récit de la réception de ces ducs et pairs.