Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/293

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Les ducs de La Rochefoucauld s’étoient accoutumés depuis longtemps à ne vouloir chez eux qu’un successeur pour recueillir tous les biens et toute la fortune du père, à ne marier ni filles ni cadets, qu’ils comptoient pour rien, et à les jeter à Malte et dans l’Église ; le premier duc de La Rochefoucauld fit son second et son quatrième fils prêtres. L’aîné mourut évêque de Lectoure, l’autre se contenta d’abbayes, le second fut chevalier de Malte. De six filles qu’il eut, quatre furent abbesses, la dernière religieuse. La troisième, plus coriace que les autres, voulut absolument un mari. On ne lui vouloit rien donner. Mme de Puysieux, qui a depuis été si en faveur auprès de la reine mère pendant sa régence, languissoit dans la disgrâce et l’exil où étoit mort le chancelier de Sillery, son beau-père, et qui avoit fait perdre à son mari sa charge de secrétaire d’État et sa fortune. Elle étoit Valencey, glorieuse à l’excès, et faite, comme on le vit depuis, pour le monde et pour l’intrigue. L’alliance l’éblouit avec raison, elle tint lieu de dot. Cette raison courba l’orgueil des La Rochefoucauld ; le duc donna sa fille à Sillery. Tous deux sont morts longues années depuis à Liancourt, ruinés, et Mme de Sillery, qui n’avoit rien eu, y a passé la plupart de sa vie défrayée, pour se servir d’un terme honnête, par son frère et par son neveu.

Le second duc de La Rochefoucauld, qui a tant figuré dans les troubles contre Louis XIV, et si connu par son esprit, eut cinq fils et trois filles. Des quatre cadets, trois furent chevaliers de Malte ; et le dernier, prêtre, fort mal appelé ; et tous quatre avec force abbayes. Les trois filles moururent sibylles dans un coin de l’hôtel de La Rochefoucauld, où on les avoit reléguées, ayant à peine de quoi vivre, et toutes trois dans un âge très-avancé.

Le troisième duc de La Rochefoucauld, le favori du roi, et que nous verrons bientôt mourir, n’eut que deux fils : l’aîné qui fut fait duc cinquième de La Rocheguyon, en épousant la fille aînée de Louvois ; et le marquis de Liancourt