Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voulut des places de sûreté en Hongrie pour leur donner des troupes ; ils firent ce qu’ils purent pour lui en livrer. Cependant, soit que le Grand Seigneur, peu porté à la guerre, en révélât le secret, soit qu’il eût été découvert par un Grec nommé Panagiotti, qui servoit d’interprète au résident de l’empereur à Constantinople, l’empereur sut tout ce qui s’y étoit passé. En 1670, il envoya le général-major Spanckaw avec six mille hommes en Croatie, où Serin, trop foible pour résister, implora la clémence de l’empereur, et lui envoya son fils unique pour otage de sa fidélité future. Cela n’empêcha point Spanckaw d’assiéger Schackthom, où Serin et Frangipani, son beau-frère s’étoient retirés, et de s’en rendre maître, où il prit la comtesse Serin, sœur de Frangipani. Les deux beaux-frères s’étoient évadés par une porte secrète ; ils se retirèrent dans un château du comte Keri qu’ils comptoient leur ami, mais qui se saisit d’eux, et les fit conduire à Vienne, où ils furent mis en prison. Serin y éprouva le sort ordinaire des grands criminels malheureux. Frangipani, pour avoir grâce et obtenir ses charges, n’oublia rien pour le perdre. Ragotzi même livra toutes les lettres qu’il avoit reçues de lui. Le capitaine Tcholnitz, qui étoit de leur secret, et qui s’en repentit, porta à l’empereur une lettre que Serin lui avoit donnée pour Frangipani dès avant leur emprisonnement, depuis lequel Nagiferentz fut arrêté : c’étoit le secrétaire de la ligue. On trouva chez lui les pièces de la conjuration, les divers traités, et cinq cassettes pleines de lettres, d’instructions, d’actes, qu’on envoya à Vienne. Nadasti avoit déjà été arrêté. Le procès fut juridiquement instruit ; les plus grands seigneurs furent nommés juges ; les prisonniers, qui avoient été transférés à Neustadt, y eurent la tête coupée publiquement le 30 avril 1671. La comtesse Serin, sœur de Frangipani, l’eut deux ans après, 18 novembre 1673. Leur fils unique perdit le nom et les armes de sa famille ; on lui donna le nom de Gadé, et on le renferma pour toute sa vie dans le château de Rattenberg.