Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/333

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de Blaye, ni de ses officiers gardes-côtes, et moi je ne lui en voulois rien dire, et j’attendois toujours, C’étoit à Marly que j’avois vu assez souvent M. du Maine ; je n’avois pas accoutumé d’aller chez lui qu’aux occasions de compliments de tout le monde. Marly est fait de façon que chacun voit où on va, surtout aux pavillons et à la Perspective où M. du Maine avoit son appartement fixe. Pontchartrain étoit grand fureteur, même des choses les plus indifférentes : il sut ces visites redoublées ; il en fut d’autant plus surpris que j’avois trop vécu avec lui pour qu’il ignorât mon sentiment sur les bâtards. Il m’en parla, je répondis simplement que j’allois quelquefois voir M. du Maine. La réponse excita encore sa curiosité. Il sut, je n’ai jamais su comment, de quoi il s’agissoit. Il prévint le roi sur ses gardes-côtes, tellement que le règlement fait et décidé, et les milices de Blaye décidées de tous points appartenir à la nomination et à l’administration du gouverneur de Blaye, le roi de lui-même ajouta : « sans préjudice à l’entier effet de l’édit de création des capitaines gardes-côtes, » moyennant quoi ayant gagné tout ce que je prétendois sur les milices de Blaye contre les gouverneurs et commandants généraux de Guyenne, je le perdois en plein contre Pontchartrain et ses capitaines gardes-côtes. C’étoit à Versailles où le règlement fut fait, et où j’appris en même temps ce tour de Pontchartrain. Il est aisé de comprendre à qui a vu ce qui s’étoit passé là-dessus, et depuis, à quel point j’en fus indigné.

J’allai trouver La Chapelle, un des premiers commis de Pontchartrain et son affidé, et à son père qui s’étoit en dernier lieu mêlé de cette affaire entre nous, et qui savoit ce que j’avois fait pour Pontchartrain avec M. de Beauvilliers, et le raccommodement de ce duc avec son père. Je contai à La Chapelle ce qui venoit de m’arriver, et tout de suite j’ajoutai que je savois parfaitement toute la disproportion de crédit et de puissance qu’il y avoit entre un secrétaire d’État et moi, mais que je savois aussi qu’on réussissoit quelquefois