Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/353

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voyant qu’il n’y avoit plus de ressource, finit cette cruelle scène en ôtant son bonnet à M. le duc de Berry, et s’inclinant fort bas comme si la réponse étoit finie, et tout de suite dit aux gens du roi de parler. On peut juger quel fut l’embarras de tout ce qui étoit là de la cour, et la surprise de toute la magistrature. Les gens du roi exposèrent donc de quoi il s’agissoit, et en firent après une longue pièce d’éloquence : c’étoit de retirer des registres du parlement des lettres patentes qui conservoient le droit à la couronne de France au roi d’Espagne et à sa branche, quoique absents et non regnicoles, quand il s’en alla en Espagne, et de faire la lecture de sa renonciation pour lui et pour toute sa branche à la couronne de France, et celles de M. le duc de Berry et de M. le duc d’Orléans à la couronne d’Espagne, pour eux et pour leur postérité, et d’enregistrer toutes ces trois renonciations. Le premier président expliqua les intentions du roi. L’avocat Joly de Fleury porta la parole et fit la réquisition ; les conclusions du procureur général furent lues ; on opina du bonnet : tout cela fut fort long.

L’arrêt d’enregistrement prononcé, les présidents se levèrent avec toute la magistrature ; ils firent une révérence profonde à M. le duc de Berry, qui se découvrit sans se lever ; les présidents s’en allèrent à la buvette, et toute la magistrature les y suivit. M. le duc d’Orléans ne se leva point du tout non plus, ni au salut, ni lorsqu’ils se retirèrent. Sur cet exemple, les deux princes du sang et les deux bâtards, qui se lèvent toujours pour les présidents à mortier, parce qu’ils se lèvent pour eux, ne se levèrent point du tout ; et les pairs, qui jamais ne se lèvent pour les présidents à mortier ni pour le premier président, parce qu’ils ne se lèvent pas pour eux, demeurèrent pareillement assis. On se tint donc en place pendant que la robe vidoit tous ses bancs, puis chacun s’approcha des princes et les uns des autres, et les personnes de qualité et de la cour quittèrent leurs places, et entrèrent dans le parquet, où les princes et tout le monde