Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/386

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infiniment leur parti, et leur donneroit lieu d’anéantir l’autre une fois pour toutes par une inquisition et une perquisition ouverte contre des gens également en butte à l’autorité de Rome et à celle du roi ; par là accoutumer toute tête à ployer sous ce joug, et de degré en degré l’ériger en dogme de foi, et c’est là malheureusement où aujourd’hui nous en sommes.

La division habilement semée dans les divers partis parmi les évêques assemblés en diverses façons sur cette affaire, tous ne crurent plus en pouvoir sortir que par Rome. Le roi écrivit donc au pape de la façon la plus pressante pour lui demander une décision, mais de la manière la plus partiale contre le livre du P. Quesnel. Le pape s’en crut quitte par la condamnation qu’il en fit à laquelle le cardinal de Noailles adhéra en retirant l’approbation qu’il y avoit autrefois donnée. Mais ce qui suffisoit en soi n’étoit pas le compte du P. Tellier. Il voulut une constitution qui condamnât une foule de propositions extraites de ce livre ; en la manière et par les raisons qui viennent d’être expliquées. Le roi redoubla d’instances auprès du pape, et le P. Telier, pour les mettre l’un et l’autre hors d’état de pouvoir reculer dans les suites, fit en sorte que le roi répondît au pape sur son autorité dans son royaume, que sa constitution y seroit reçue sans difficulté de quelque part que ce fût.

Le P. Tellier n’eut pas à Rome des conjonctures moins favorables qu’en France. Le P. Daubenton dont j’aurai occasion de parler ailleurs, plus savant, plus accort, plus rompu au monde et aux cours, mais au fond non moins déterminé jésuite que le P. Tellier, congédié de confesseur du roi d’Espagne par les intrigues de Mme des Ursins à qui son crédit et ses manéges firent ombrage, étoit passé en Italie où il restoit assistant françois du général des jésuites, qui est pour chaque grande nation la première place après la sienne. Il étoit donc à Rome, et il y vivoit comme les plus importants de ses confrères et les plus initiés dans les mystères