Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/391

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dans l’archevêché de Paris, et le lui remit pour se reposer entièrement sur lui de toute son éducation ecclésiastique. Ces considérations engagèrent ce prélat d’en faire comme de son neveu ; et cet intrus neveu, déjà fait aux manéges de sa mère, n’oublia rien pour faire du prélat comme d’un véritable oncle en toutes choses, parce qu’il sentit que sa fortune en dépendoit et qu’elle ne pouvoit être que grande et prompte, s’il engageoit par sa conduite cet oncle adoptant à la vouloir. Il le mit à Saint-Magloire dont il fit son séminaire de confiance, choisit des gens pour former et veiller sur ses mœurs et ses études, et pour lui en rendre un compte particulier. Les charmes de la personne de l’élève furent secondés par tout l’art d’une conduite qui répondit en tout aux vastes desseins de sa mère sur lui, et la facilité de son esprit à tout ce qu’on lui voulut apprendre. Son application, ses progrès, sa modestie, sa politesse, son attention à plaire, lui gagnèrent ses maîtres et tout Saint-Magloire, et prêtres de l’Oratoire et séminaristes. Il se fit une réputation. Il ne fut pas moins adroit, ni moins attentif en Sorbonne, ni avec moins de succès. Il travailla de bonne foi à apprendre ; et en effet il acquit de la science qu’il sut tripler par la grâce et la facilité de son débit, et tellement gagner ce peuple lettré, que, tout grossier, pédant et farouche qu’il soit de sa nature, il ne voulut que l’admirer et le vanter. Tant de bons témoignages ne demeurèrent point oisifs. Noailles se faisoit un plaisir de les porter au roi et à Mme de Maintenon, charmé lui-même de son élève, et le roi plus content encore d’avoir tant où s’appuyer pour travestir en justice les inclinations et les penchants de son cœur.

Mme de Soubise étoit morte dans l’attachement et la reconnoissance pour le cardinal de Noailles, sans lequel elle sentoit que toute sa faveur et toute la volonté du roi auroit été peu fructueuse, et elle avoit inculqué ces sentiments à son fils, dont l’âge et le chemin ne sembloient pas pouvoir