Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/398

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Malgré l’orgueil de la pourpre, la vanité du bien-dire perça. Le cardinal de Polignac ne dédaigna pas de paroître devant le roi à la tête de l’Académie française, à la suite de tous les corps qui le haranguèrent sur la paix. Ses grâces, ses charmes et son bien-dire, si odoriférant et si flatteur, céda toutefois à la justesse et à l’éloquence mâle et naturelle du recteur de l’Université, qui enleva tous les suffrages avec tant de violence, qu’il fut interrompu par les applaudissements, et que le roi lui fit une réponse pleine de l’admiration de son discours. Vittement, c’étoit son nom, ne s’en éleva pas davantage, n’en demeura pas moins renfermé dans la poussière des colléges, et ne cultiva personne ; mais, ce qui ne s’est peut-être jamais vu, et dans une cour comme elle étoit alors, sa harangue ne sortit point de la mémoire du roi. Elle y surnagea, chose encore plus extraordinaire, à tout ce qui le pouvoit rendre suspect sur la doctrine, et des mœurs trop pures et trop austères pour le goût d’alors ; cette harangue seule et qu’on crut oubliée avec tant et [tant] d’autres, prévalut à tout, et le fit deux ans après sous-précepteur du roi d’aujourd’hui, par le souvenir toujours présent qu’en avoit conservé Louis XIV. On verra en son temps que ce fut le seul bon choix qu’il fit pour l’éducation de ce jeune prince, qui eut aussi le sort ordinaire de ce qu’il y a de meilleur dans les cours.




CHAPITRE XVIII.


Histoire de France du P. Daniel ; son succès ; son objet ; sa prompte chute ; récompense. — Cardinal Gualterio à la cour. — Cause de sa disgrâce à Rome, et de ce que les nonces en France n’y reçoivent plus la nouvelle de leur promotion à. la pourpre. — Grâces faites au