Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/403

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parmi des cardinaux, il se donna publiquement à la France, et mit les armes du roi sur sa porte comme un cardinal national. Il se chargea aussi, à faute de mieux, des affaires du roi d’Angleterre. Il eut une pension du roi, et les abbayes de Saint-Remi de Reims, et de Saint-Victor à Paris.

Assez oisif à Rome, il voulut venir voir le roi et ses amis encore une fois en sa vie, et il arriva à la mi-juin à Paris, et tout de suite à la cour. Le roi fut véritablement touché de ce voyage, et le lui témoigna par toutes sortes d’amitiés et de distinctions : il fut de tous les Marlys. Le cardinal de Rohan le logea et le fournit d’équipages.

Je ris fort avec lui de la peur qu’il avoit faite aux ministres. Les maximes du roi, dont j’ai parlé plus d’une fois, et dont il s’étoit expliqué à l’occasion du cardinal de Janson, ne les purent rassurer. Les princes changent quelquefois, la face de la cour l’étoit totalement depuis le départ de ce cardinal ; l’exemple du Mazarin les intimida, ils ne purent comprendre qu’un homme de cet âge et de cette dignité entreprît, de gaieté de cœur, un si grand voyage sans objet que celui qui, en effet, l’amenoit. Ils furent du temps à tâter le pavé avec lui ; mais à la fin, ne voyant rien eclore, ils reprirent leurs esprits et leurs anciennes manières avec lui.

Il fut extrêmement fêté de tout le monde, et avec empressement du plus distingué. Il ne quitta la cour que pour aller voir le roi d’Angleterre en Lorraine, et passer deux jours, chemin faisant, dans son abbaye de Reims avec l’archevêque son ami. Il vit peu le roi en particulier, qui lui promit l’ordre ; il fut du voyage de Fontainebleau, très-bien logé, et il y prit congé du roi et de ses amis au commencement d’octobre, avec le serrement d’un bon cœur qui compte bien ne les revoir plus, et le roi en parut peiné lui-même et le combla de bontés. Il étoit venu par mer à Marseille, il s’en retourna par Turin, d’où il s’alla embarquer à Gênes.

Le maréchal d’Huxelles, accompagné de Ménager, salua le roi, le 21 juin, arrivant d’Utrecht à Versailles. Il y avoit