Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/420

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roi, et que, le mariage une fois agréé, il n’y eût plus de remède. Mlle de Conti demanda donc un rendez-vous à Mme la duchesse de Berry à Saint-Cloud, pour chose fort pressée, pour le lendemain de son message, qu’elle n’envoya que tard. Toutes deux partirent de Versailles, et de Paris pour Saint-Cloud, en même temps que Mme la Princesse pour Versailles, afin que celle-ci ne pût être gagnée de la main auprès du roi par M. le duc d’Orléans averti.

Je ne sais comment Mlle de Conti tourna son discours à Saint-Cloud ; mais il fallut bien avouer au moins qu’elle n’avoit pas gardé le secret qu’elle avoit promis, et par là tout au moins elle étoit cause de la résolution que Mme la Princesse avoit prise, et de la promptitude avec laquelle elle l’exécutoit. Il n’en fallut pas davantage pour persuader à Mme la duchesse de Berry que Mlle de Conti ne s’étoit servie de la confiance qu’elle avoit eue en elle que pour en profiter pour elle-même, en violant son secret et en poussant Mme la Princesse à une démarche dont la force et la promptitude lui ressembloient si peu, et dont tout le fruit étoit pour Mlle de Conti. Elle ne lui cacha pas ce qu’elle en pensoit, et la traita avec toute l’indignité et toute la hauteur qu’elle crut qu’elle méritoit. Les larmes de colère et de dépit allongèrent la visite plus que les discours. Jamais Mme la duchesse de Berry ne lui a pardonné, et s’est piquée jusqu’à la mort de lui faire sentir en toute occasion publique, car de particulières il n’y en eut plus entre elles, tout le poids de sa haine, de son mépris et de son rang. Elle rendit à M. [le duc] et à Mme la duchesse d’Orléans ce qu’elle venoit d’apprendre. Tous trois comprirent aussitôt qu’il n’y avoit plus à compter sur leur mariage, et furent bien en peine du silence qu’ils en avoient gardé au roi.

Mme la Princesse, tout en arrivant à Versailles, fit dire au roi qu’elle le supplioit de lui marquer un moment où elle pût avoir l’honneur de lui rendre compte en particulier de quelque chose qui pressoit fort, et qui étoit très-important à