Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/448

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copie qui me tomba entre les mains. J’y fis sur-le-champ une réponse, où je ne ménageai rien de tout ce que jusqu’alors j’avois couvert avec tant de peine, et où d’ailleurs je n’épargnai pas qui m’attaquoit. Le duc de Noailles, que je voyois fort familièrement alors, me surprit avec cette pièce entre les mains. Il fut effrayé de son tissu. Il me conjura de ne la pas répandre, et d’attendre qu’il eût parlé au duc de La Rocheguyon. Il revint promptement m’assurer que M. de La Rocheguyon désavouoit la pièce dont j’avois lieu de me plaindre, qu’il retireroit tout ce qui en avoit paru, et qu’il la supprimeroit de façon qu’on ne la verroit jamais, pourvu que je voulusse bien aussi supprimer ma réponse. Je dis au duc de Noailles que je ne cherchois point querelle dans cette affaire, comme il n’y avoit que trop paru dans toute ma conduite ; mais qu’il ne falloit pas croire aussi que ce fût par manque de moyens, de hauteur et de courage ; qu’il paroîtroit quelques copies de ma réponse, comme il en avoit paru du mémoire auquel elle répondoit ; et que, si le mémoire disparaissoit, comme il m’en portoit parole, je ne répandrois pas davantage de réponses, et prendrois pour bons tous les compliments et les protestations dont il étoit chargé ; sinon, que je ne m’entendois point aux subterfuges ; et que, de bouche et par écrit, je ne ménagerois rien, et tâcherois, en procédés et en choses, de faire durement repentir qui m’attaquoit lorsque j’avois le moins lieu de m’y attendre. En effet, je parlai, et je distribuai quelques exemplaires de ma réponse. Tout aussitôt le mémoire désavoué disparut à Paris et à la cour, où presque personne ne l’avoit vu. Le duc de Noailles, et après lui le duc de Villeroy, et le duc de La Rocheguyon ensuite, m’accablèrent de civilités et de protestations, moi de réponses un peu froides, et il ne fut plus question d’écrits. Cela ne laissa pas de faire du bruit que le roi voulut ignorer, qui même ne songea pas alors à décider cette question de préséance jugée par l’édit de 1611, mais que les cris de M. de La