Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/61

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avoit toute l’autorité. D’avaux ne se maria point, et mourut comme son frère aîné, en 1650, quelques mois après lui.

Le sieur d’Irval prit le nom de Mesmes à la mort de son frère aîné, dont il eut la charge de président à mortier. Il laissa deux fils, l’aîné qui succéda à son nom et à sa charge, et qui épousa la fille de Bertran, sieur de La Bazinière, trésorier de l’épargne et prévôt grand maître des cérémonies de l’ordre du Saint-Esprit, qui avoit épousé pour rien Mlle de Barbezières-Chemerault, fille d’honneur de la reine. La Bazinière tomba en déroute, en recherches [1], fut mis à la Bastille, privé de ses charges et du cordon bleu qui ne lui fut point rendu. C’étoit un riche, délicieux et fastueux financier, qui jouoit gros jeu, qui étoit souvent de celui de la reine, et qui la quittoit familièrement à moitié partie, et la faisoit attendre pour achever qu’il eût fait sa collation qu’il faisoit apporter dans l’antichambre, et dont il régaloit les dames. Il étoit si bon homme et si obligeant qu’on lui passoit toutes ces impertinences : fort galant, libéral, magnifique, homme de grande chère, et si aimé que tout le monde s’intéressa pour lui. Il parut constant qu’il n’y avoit nulle friponnerie en son fait, mais un grand désordre, faute de travail et d’avoir su régler sa dépense. Il sortit enfin d’affaires ; et quoique dépouillé et réduit au petit pied, il fut le reste de sa vie, qui fut encore longue, bien reçu partout et accueilli de la meilleure compagnie. Je l’ai vu chez mon père, avec un joli équipage, et, tout vieux qu’il étoit,

  1. La Bazinière fut un des financiers poursuivis, en 1601, à l’époque de l’arrestation et du procès de Fouquet.