Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/111

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dangereux, peut-être encore le moins honteux de tous les inconvénients, et sûrement, quelque monstrueux qu’il soit, le moins nuisible.

Si les pères de ces nièces n’étoient rien, leurs mères, sœurs du cardinal Mazarin, étoient, s’il se peut, encore moins. Jamais on n’a pu remonter plus haut que le père de cette trop fameuse Éminence, ni savoir où elle est née, ni quoi que ce soit de sa première jeunesse ; tout ce qui l’a suivie est si connu qu’on n’en parlera pas ici. On sait seulement qu’ils étoient de Sicile ; on les a crus des manants de la vallée de Mazzare qui avoient pris le nom de Mazarin, comme on voit à Paris des gens qui se font appeler Champagne et Bourguignon. La mère du cardinal étoit Buffalini. On ignore toutes les antérieures puisqu’on ne sait rien des Mazarin. Le père du cardinal vécut si obscur toute sa vie à Rome, que lorsqu’il y mourut en novembre 1654 à soixante-dix-huit ans, cela n’y fit pas le moindre bruit. Les nouvelles publiques de Rome eurent la malice d’y insérer ces mots : « Les lettres de Paris nous apprennent que le seigneur Pietro Mazarini, père du cardinal de ce nom, est mort en cette ville de Rome, le, » etc. Revenons maintenant à Mme de Bouillon.

Avec des grandeurs en tel nombre, et si proches, Mme de Bouillon trouva en se mariant M. de Turenne dans le comble de son lustre et du crédit auprès du roi jusqu’à anéantir publiquement à son égard celui des plus puissants ministres, et la comtesse de Soissons, la reine de la cour, le centre de la belle galanterie qui dominoit le monde, de chez qui le roi ne bougeoit, et qui tenoit le sort de tous entre ses mains. Ce radieux état dura longtemps, celui de M. de Turenne jusqu’à sa mort en 1675. Elle vit de plus le frère de son mari cardinal à vingt-six ans, en 1669, et grand aumônier en 1671, dans la plus grande faveur ; et son autre beau-frère recueillir la charge de la cavalerie, et le gouvernement de M. de Turenne : aussi poussa-t-elle l’orgueil jusqu’à