Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/122

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petite vérole la changea à tel point qu’il n’y eut personne qui la pût reconnoître. Je le rapporte par l’extraordinaire de la chose portée à cet excès. La graisse survint bientôt après, et en fit une tour, d’ailleurs une bonne, honnête et très aimable femme.

Il y avoit du temps que la reine de Pologne, veuve du célèbre Jean Sobieski, étoit embarrassée de sa retraite, et qu’elle avoit eu envie de venir finir sa vie en France. La passion qu’elle avoit eue autrefois de venir montrer sa couronne dans sa patrie, sous prétexte des eaux de Bourbon, l’en avoit rendue la plus mortelle ennemie. Elle voulut savoir sur quoi compter précisément. À l’égard du cérémonial, il se trouva que, la Pologne étant couronne élective, la reine ne pouvoit lui donner la main. Il étoit même bien nouveau que le roi la donnât aux rois héréditaires, et c’est du cardinal Mazarin que l’introduction de l’égalité des rois est venue, et que ceux du Nord, qui ne faisoient pas difficulté de donner la main aux ambassadeurs de nos rois, ont non seulement abrogé cet usage, mais en sont venus à se parangonner à eux. La reine de Pologne, qui n’avoit d’autre objet de son voyage que l’orgueil de se voir égalée à la reine, le rompit aussitôt et ne le pardonna jamais.

On a prétendu que ses menées avoient eu grande part à former la fameuse ligue d’Augsbourg contre la France ; et il est certain qu’elle se servit toute sa vie du pouvoir presque entier qu’elle s’étoit acquis sur le roi son mari, pour l’éloigner de la France contre son goût, et l’attacher à la maison d’Autriche, dont elle fut récompensée par le grand mariage de son fils aîné avec une sœur de l’impératrice, et des reines d’Espagne et de Portugal, de la duchesse de Modène et de l’électeur palatin Neubourg.

Elle ne laissa pas parmi ses desservices de demander au roi de faire son père duc et pair. Le peu de succès qu’eurent ses instances lui inspira un nouveau dépit, qu’elle fit éclater dans toute son étendue, contre la France et contre le prince