Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de la société des hommes ; enfin la comparaison militaire dans une nation toute militaire ; et de la nudité entière du petit-fils de France, avec ce prodigieux et monstrueux amas de charges, de gouvernements, de troupes, de rangs et d’honneurs inouïs dont le groupe effrayant servoit de piédestal au double adultère pour fouler aux pieds tous les ordres de l’État, et y mettre pour le moins tout en confusion pour peu qu’ils voulussent se servir de la puissance qu’il avoit su arracher.

M. du Maine redoutoit les réflexions qui naîtroient de ces trop fortes considérations, et le repentir du roi trop annoncé par la violence qu’il avoit soufferte, dont il n’avoit pu retenir ses plaintes ; et qu’il ne saisit l’indignation publique accrue par l’exercice des fonctions, pour détruire ce qu’il avoit eu tant de peine à édifier. Enfin il eut peur, et peut-être le roi plus que lui, des plaintes de ceux qui n’étoient pas des élus : l’un de s’en faire des ennemis qui dès lors se jaindroient à M. le duc d’Orléans, l’autre de l’importunité des mécontents et des visages chagrins. Ainsi on étoit bien éloigné de voir révéler des mystères que leurs auteurs avoient tant d’intérêt de cacher.

M. le duc d’Orléans fut étourdi du coup ; il sentit combien il portoit directement sur lui ; du vivant du roi il n’y vit point de remède. Le silence respectueux et profond lui parut le seul parti qu’il pût prendre ; tout autre n’eût opéré qu’un redoublement de précautions. On en demeurera là maintenant sur cet article ; il n’est pas temps encore d’entrer dans les mesures et dans les vues de ce prince pour l’avenir. Le roi évita avec lui tout discours sur cette matière, excepté la simple déclaration après coup ; M. du Maine de même. Il se contenta d’une simple approbation monosyllabe avec l’un et avec l’autre, en courtisan qui ne se doit mêler de rien, et il évita même d’entrer là-dessus en matière avec Mme la duchesse d’Orléans, et avec qui que ce fût. J’étois le seul avec qui il osât se soulager et raisonner à fond ; avec tout le reste