Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/231

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discrétion, comme on l’a dit. La cavalerie monta sur la fin de l’action par les brèches dans la ville.

On souffrit assez de plusieurs mines et fougasses qu’ils firent jouer pendant l’attaque ; et on compta environ quinze cents hommes tués ou blessés de chaque côté à cette attaque, avec beaucoup d’officiers. La place avoit tenu soixante et un jours de tranchée ouverte, avec une résolution et une opiniâtreté extrêmes des troupes et des habitants, enragés de l’abandon de l’empereur et de la perte pour toujours de leurs privilèges par leur réduction, et de ceux de leur province dont ils ont été de tout temps si jaloux, et dont ils avoient si étrangement abusé. Les moines de tous ordres, surtout les capucins, et tous les autres de Saint-François, les jésuites même, signalèrent leur rage par les fatigues et les périls où ils s’exposèrent sans cesse, et par leurs vives exhortations soutenues de leur exemple.

Berwick mit un si grand ordre à tout que, dès le lendemain qu’ils se furent rendus, tout parut si tranquille par toute la ville que les boutiques y furent ouvertes à l’ordinaire. Il fit rendre les armes aux bourgeois, changea toute l’ancienne forme du gouvernement, cassa la députation, fit de nouveaux magistrats, établit une nouvelle forme de gouvernement, sous le nom de junte, en attendant les ordres du roi d’Espagne, auquel il dépêcha le prince de Lanti, neveu de la princesse des Ursins. Les miquelets et les volontaires de la campagne vinrent se rendre en foule. La Catalogne fut soumise. Villaroël, dont on a parlé à l’occasion de l’affaire d’Espagne de M. le duc d’Orléans, commandoit à Barcelone. Il fut embarqué avec Basset et une vingtaine d’autres principaux chefs de la rébellion, tous militaires, et conduits au château d’Alicante, pour y demeurer le reste de leurs jours, ou être distribués en d’autres prisons.

Le duc de Berwick demeura un mois à Barcelone pour régler toutes les affaires militaires et civiles de la ville et de la province, et s’en alla ensuite à Madrid. Cette conquête, qui