Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/251

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L’empereur faisoit en même temps couronner reine de Hongrie, avec beaucoup de magnificence, à Presbourg, l’impératrice sa femme, et tâchoit d’y obtenir des états qu’ils voulussent déclarer les filles capables de succéder à leur couronne. Cela étoit bien loin de l’élection même pour les mâles, dont ils avoient eu une si longue possession, et qu’ils prétendoient encore ; mais la maison d’Autriche s’étoit si puissamment établie en autorité, qu’il n’y eut rien à quoi elle ne crût pouvoir atteindre.

L’électeur de Cologne, arrivé depuis quelques jours à Paris, en magnifique équipage, y avoit été retenu par la goutte. Il vint le 11 novembre à Marly, sur les trois heures, fut un quart d’heure seul avec le roi dans son cabinet, et retourna à Paris. L’électeur de Bavière, arrivé aussi de Compiègne en sa petite maison de Saint-Cloud, vint le 15 courre le cerf avec le roi à Marly, qui le mena dans ses jardins après la chasse. L’électeur soupa chez d’Antin, joua dans le salon avant et après, et s’en retourna à Saint-Cloud. Le fils aîné de Saumery fut nommé pour suivre l’électeur lorsqu’il partiroit pour ses États, en qualité d’envoyé du roi près de lui.

Pompadour et d’Alègre furent aussi nommés : le premier à l’ambassade d’Espagne, où le roi étoit bien assuré qu’il n’irait point ; et d’Alègre à celle d’Angleterre, où il n’alla point non plus, mais par d’autres raisons. Tous deux acceptèrent avec joie. Pompadour surtout parut transporté. De sa vie il n’avoit été de rien ; on a vu en son lieu qu’après une longue vie fort obscure, lui et sa femme avoient vendu leur fille à Dangeau, pour s’accrocher à la cour. Par eux et par la protection qu’ils en avoient tirée de Mme de Maintenon, plus de mine que d’effet, ils s’étoient jetés à corps perdu à la princesse des Ursins. C’étoit la leurrer d’un ambassadeur tout à elle, et par ce choix la persuader que ses fautes sur sa souveraineté et sur le mariage du roi d’Espagne étoient effacées, et que le roi vouloit plus que jamais qu’elle gouvernât absolument