Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/265

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parler sur toutes ces matières avec la plus grande liberté, sans que sa considération en ait baissé auprès du roi.

Tant de grandes et d’aimables qualités le firent généralement aimer et respecter ; sa science, son esprit, sa fermeté, sa liberté, le perçant de ses expressions quand il lui plaisoit, une plaisanterie fine et quelquefois poignante, un tour charmant, le faisoient craindre et ménager, et cela jusqu’à sa mort, par ceux qui étoient devenus la terreur de tout le monde ; avec beaucoup de politesse mais distinguée, il savoit se sentir, il étoit quelquefois haut, quelquefois colère. Ce n’étoit pas un homme qu’il fit bon tâtonner sur rien. Ce tout ensemble faisoit un homme extrêmement aimable et sûr, et lui donna toujours un grand nombre d’amis.

Il fut évêque-duc de Laon à vingt-cinq ans, sacré à vingt-sept, et brilla fort cinq ans après en l’assemblée du clergé de 1660. Il eut la principale part à finir l’affaire fameuse des quatre évêques par ce qu’on a nommé la paix de Clément IX. Entré par son père dans l’intimité de la maison de Vendôme, il traita et conclut en 1665 le mariage de Mlle de Nemours avec le duc de Savoie, et en 1666 celui de sa sœur cadette avec Alphonse, roi de Portugal. L’une a été mère du premier roi de Sardaigne, si connue sous le nom de Madame Royale qu’elle usurpa au mariage de son fils ; l’autre, illustre par sa courageuse résolution, où le cardinal d’Estrées eut grande part, de changer de mari, et de demeurer reine régnante. Toutes deux étoient filles du pénultième duc de Nemours, tué en duel par le duc de Beaufort son beau-frère, et de la fille de César duc de Vendôme, bâtard d’Henri IV et de la belle Gabrielle, sœur du père du cardinal d’Estrées. Il en eut la nomination de Portugal avec l’agrément du roi, et les malins l’accusèrent d’avoir fait dans la vue du chapeau le mariage de son neveu avec la fille du célèbre Lyonne, ministre et secrétaire d’État des affaires étrangères, sur quoi il courut d’assez plaisantes chansons dont il se divertit le premier.