Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/403

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il y avoit maintes années que personne en France n’en étoit plus la dupe, ou plutôt on ne l’avoit jamais été. Ses amis avoient fort assuré les ducs qu’il ne faisoit le difficile que pour s’acquérir plus de confiance dans sa compagnie, et se mettre en état de la ramener. Ses délais, ses difficultés entassées répondoient peu à ses paroles si précises, si expresses, si nettes, données par lui aux mêmes ducs, et à eux et à plusieurs autres par le duc du Maine. On y avoit donc compté, et nullement sur des équivalents dont il n’avoit jamais été la moindre question, et sur la plus légère mention desquels on ne se seroit jamais embarqué, parce qu’on l’auroit pu éviter sur un si bon prétexte, sans montrer à M. du Maine un dangereux refus personnel. Il ne s’agissoit que du bonnet, et, par ce qui s’étoit de là engrené, du conseiller sur le bout du banc des pairs dont le premier président et M. du Maine avoient même parlé les premiers comme d’une nouveauté également ridicule, inutile et insoutenable ; les autres usurpations dont ils avoient gardé le silence n’avoient pas été mises sur le tapis par les ducs, trop accoutumés à perdre pour entreprendre de regagner tant de larcins à la fois.

Cependant le voyage de Marly s’avançoit. Le premier président étoit dans les rues, et ne parloit point d’y aller. M. du Maine trouvoit cette conduite un peu étrange, en l’excusant cependant, et répondoit toujours de lui. On y voulut voir encore plus clair, et pour serrer la mesure, on engagea un dîner à Paris, chez d’Antin, sous prétexte d’exposer sa belle maison et ses magnifiques meubles à la censure et au bon goût en ce genre du premier président, mais en effet pour avancer l’affaire. Il promit de s’y rendre avec le président de Maisons et les duchesses d’Elbœuf et de Lesdiguières, sœurs de beaucoup d’esprit, ses amies intimes, dont la mère étoit Mesmes, héritière d’Avaux si connu par l’éclat, le nombre et le succès de ses ambassades, frère aîné du grand-père du premier président. Elles ne tenoient rien de la crasse maternelle,