Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/460

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une égalité littéraire en places, en sièges, en voix, en emplois de directeur et de chancelier par tour ou par élection ; et tel qui eût été à peine assis chez un autre, se croyoit quelque chose de grand par ce mélange avec lui au dedans de l’Académie, et ne sentoit pas que cette distinction intérieure et momentanée ne différoit guère de celle des rois de théâtre et des héros d’opéra.

« Que pour honorer l’Académie, la distinction des personnes ne fût pas un obstacle à les admettre, quand d’ailleurs ils avoient de quoi payer de leurs personnes par leur savoir et par leur bon goût et s’en tenir là, c’étoit chose raisonnable ; on avoit commencé de la sorte ; cela honoroit qui que ce fût ; l’égalité littéraire contribuoit à l’émulation et à l’union des divers membres dans un lieu où l’esprit et les lettres seules étoient considérées, et ou tout autre éclat ne devoit pas être compté. Tant que l’Académie n’a été ouverte qu’à des prélats et à des magistrats en petit nombre, distingués en effet par les lettres, et à des gens de qualité, même de dignité, s’il s’en trouvoit de tels, elle leur a donné et en a reçu un éclat réciproque ; mais depuis que, de l’un à l’autre, par mode et par succession de temps, les grandes places et celles de domestiques sans autre titre s’y sont réunies, la mésalliance est tombée dans le ridicule, et les lettres dans le néant, par le très petit nombre de gens de lettres qui y ont eu place et qui se sont découragés par les confrères qui leur ont été donnés, parfaitement inutiles aux lettres et bons seulement à y cabaler des élections. On admirera la fatuité de plusieurs gens considérables qui s’y laissèrent entraîner, et celle de l’Académie à les élire. »


II. LETTRE DE RICHELIEU MOURANT À MAZARIN.


Pages 105 et suiv.


Le cardinal Mazarin et sa famille sont traités avec une grande sévérité dans plusieurs passages de Saint-Simon, notamment p. 105 et suivantes de ce volume. Je n’ai pas l’intention de faire l’apologie du cardinal ni de ses nièces. Je me bornerai pour sa famille à renvoyer le lecteur au curieux ouvrage de M. Am. Renée sur les Nièces de Mazarin [1]. Quant au cardinal, il ne faut pas croire qu’il dut uniquement son élévation à l’heureux caprice d’une reine. On oublie trop que les services rendus à l’État l’avoient signalé depuis longtemps

  1. Pages 88 et suivantes de la première édition.