Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/114

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la porte, qu’il ne se vouloit point laisser renvoyer, et qu’il disoit qu’il avoit ordre de M. le duc d’Orléans, qui l’envoyoit, de me parler de sa part. Il faut ajouter que mes deux fils avoient chacun un régiment de cavalerie, et que tous les colonels étoient lors par ordre à leurs corps. Je fis entrer Biron avec d’autant plus de surprise, que je ne faisois que de quitter M. le duc d’Orléans. Je demandai donc avec empressement ce qu’il y avoit de si nouveau. Biron fut embarrassé, et à son tour s’informa où étoit le marquis de Ruffec. Ma surprise fut encore plus grande ; je lui demandai ce que cela vouloit dire. Biron, de plus en plus empêtré, m’avoua que M. le duc d’Orléans en étoit inquiet, et l’envoyoit à moi pour le savoir. Je lui dis qu’il étoit à son régiment comme tous les autres, et logé dans Besançon chez M. de Lévi, qui commandoit en Franche-Comté. « Mais, me dit Biron, je le sais bien ; n’auriez-vous point quelque lettre de lui ? — Pourquoi faire ? répondis-je. — C’est que franchement, puisqu’il vous faut tout dire, M. le duc d’Orléans, me répondit-il, voudroit voir de son écriture. »  Il m’ajouta que peu après que je l’eus quitté, il étoit descendu dans le petit jardin de Mme la duchesse d’Orléans, laquelle étoit à Montmartre ; que la compagnie ordinaire, c’est-à-dire les roués et les p…… s’y promenoient avec lui ; qu’il étoit venu un commis de la poste avec des lettres, à qui il avoit parlé quelque temps en particulier ; qu’après cela il avoit appelé lui Biron, lui avoit montré une lettre datée de Madrid du marquis de Ruffec à sa mère, et que là-dessus il lui avoit donné sa commission de me venir trouver.

À ce récit je sentis un mélange de colère et de compassion, et je ne m’en contraignis pas avec Biron. Je n’avois point de lettres de mon fils, parce que je les brûlois à mesure comme tous papiers inutiles. Je chargeai Biron de dire à M. le duc d’Orléans une partie de ce que je sentois ; que je n’avois pas la plus légère connoissance avec qui que ce fût en Espagne, et le lieu où mon fils étoit ; que je le priois