Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/156

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et depuis, qu’il servit fort utilement M. le duc d’Orléans pour le mariage de M. le duc de Berry. Quoiqu’il ait eu la discrétion de ne jamais rien dire sur l’odieux chapitre du poison, je suis persuadé qu’il n’y servit pas moins bien M. le duc d’Orléans. Il vouloit le repos du roi, il haïssait Mme de Maintenon qui ne le haïssait pas moins ; il vouloit trouver le roi tranquille, et de bonne humeur, pour toutes les choses qu’il vouloit insinuer ou obtenir ; et au peu qu’il m’a dit, j’ai soupçonné qu’il connoissoit M. du Maine. Il ne s’est trouvé de contrebande en rien sur M. le duc d’Orléans, et il n’a paru par rien qu’il ait eu nulle part au testament du roi, ni aux dispositions qu’il a faites outre celles de son testament, comme les grandeurs des bâtards, quoique je croie aussi qu’il ne s’y est pas opposé si le roi l’a consulté. Il en vouloit et en attendoit trop pour le contredire sur un point si chéri, moins encore à se mettre au hasard d’être congédié. On a vu en plus d’un endroit à quel point lui et moi en étions ensemble : cela dura jusqu’à la mort du roi.

Pendant la dernière année de sa vie, surtout vers les fins, ce père me promenoit sur tous les personnages, et me pressoit de lui dire ce que j’en pensois, enfin de les lui dépeindre. Je me mettois à rire, et je lui disois qu’il les connoissoit mieux que moi. Il insistoit encore davantage, et me disoit qu’il avoit pu connoître que ses livres, occupé dans l’intérieur, comme il avoit toujours été avant d’être appelé à la cour, et que depuis qu’il y étoit, les affaires que lui donnoit sa place ne lui avoient pas donné un moment de loisir pour pouvoir être informé des personnes ni des choses qui étoient pas de son ministère ; puis en m’accablant de cajoleries et de louanges, il me disoit qu’il n’y avoit que moi avec qui il pût s’ouvrir avec confiance, et avoir celle que je voudrois bien répondre à la sienne en répondant à ses questions, et le mettant au fait des personnes. Il n’y en eut aucune sur qui il m’en fit, et réitérât tant et me pressât davantage que sur Mme de Maintenon, M. du Maine, et