Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/229

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Le moyen après de contenir les états, après les avoir si puissamment excités, me parut bien aisé : Protester avec confiance et modestie qu’on ne veut que leurs cœurs, qu’on compte leur parole donnée par cette acclamation pour si sacrée et si certaine, qu’on ne croiroit pas la mériter si on souffroit qu’ils donnassent plus ; qu’on le déchireroit même, et qu’on regardoit recevoir plus comme un crime. Qu’on acceptoit cette parole uniquement pour l’extrême plaisir de recevoir une telle marque de l’affection publique, et pour la considération éloignée du repos de la France, mais dans le désir passionné et la ferme espérance que le cas prévu n’arrivera jamais, par la longue vie du roi, et la grande bénédiction de Dieu sur sa postérité ; qu’aller plus loin que cette parole si flatteuse, et le très simple certificat qui en fait foi, ne peut convenir au respect des circonstances, qui sont un régent qui, pour le présent, ne peut encore rien voir de longtemps entre le roi et lui. Se tenir à ces termes de confiance et de reconnoissance, de modestie, de respect, de raisons, inébranlablement, avec la plus extrême attention à n’en pas laisser soupçonner davantage ; paraphraser ces choses et les compliments ; surtout brusquer l’affaire, couper court, finir, et ne manquer pas après de bien imposer silence sur l’acclamation et le certificat et toute cette matière, et y bien tenir la main, sous prétexte que sous un roi hors d’état de régner par lui-même, et de se marier de longtemps, c’est une matière qui, passé la nécessité remplie, est odieuse, et n’est propre qu’à des soupçons, à donner lieu aux méchants, et à qui aime le désordre, de troubler l’harmonie, le concert, la bonté et la confiance du roi pour le régent ; mais ne dire cela, et avec fermeté, qu’après la chose entièrement faite, de peur d’y jeter des réflexions et de l’embarras. Outre le fruit infini de rejeter sur les états les suites douloureuses du remède auquel ils auront donné la préférence pour les finances, d’avoir acquis par leur tenue, et cette marque de déférence, l’amour et la confiance