Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/235

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de soldats sous leurs ordres et d’importantes provinces sous leur commandement, avec cette différence que tous autres gouverneurs et chefs de troupes ne l’étoient que de nom, impuissants avec des titres qui n’étoient que de vains noms, eux-mêmes inconnus aux lieux et aux troupes que leurs patentes sembloient leur soumettre, tandis que la marine, l’artillerie, les carabiniers, tous les Suisses et Grisons, sept ou huit régiments sous leur nom, outre toutes ces troupes, étoient dans leur très effective dépendance de tout temps, parce que le roi l’avoit ainsi voulu, et qu’encore que leur assiduité près de lui les eût empêchés d’aller en Guyenne, en Languedoc, en Bretagne, ils ne laissoient pas d’y être très puissants, par l’autorité et les dispositions des grâces que le roi leur y avoit soigneusement données. Faire sentir aux états généraux de quel danger étoit une si formidable puissance entre les mains de deux frères, surtout quand elle étoit jointe au nom, rang, droits, état de prince du sang, capables de succéder à la couronne, vis-à-vis des princes du sang tous enfants, et sans établissement entre eux tous que le gouvernement de Bourgogne, une belle charge mais uniquement domestique, et sept ou huit régiments sur lesquels ils n’avoient jamais eu l’autorité que les bâtards avoient sur les leurs, et sans contre-poids encore d’aucun seigneur, dont les gouvernements et les charges n’étoient que des noms vides de choses, et qui n’opéroient que des appointements. Faire envisager aux états la facilité qu’avoient les bâtards de tout entreprendre, et les horreurs de leur joug et des guerres civiles pour l’établir et pour s’en défendre. Enfin leur faire toucher l’évidence du crime de lèse-majesté dans l’attentat d’oser prétendre à la couronne, et d’avoir abusé de la faiblesse d’un père qui n’auroit jamais dû reconnoître de doubles adultérins, et qui est le premier qui l’ait osé par la surprise, qu’on a vue ailleurs, pour escalader tous les degrés par lesquels ils sont parvenus à une si effrayante grandeur, et ne s’en faire encore qu’un échelon