Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/242

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faut bien garder de causer pour éviter l’embarras qu’elle feroit naître, et qu’il faudroit pourtant surmonter, et pour ne pas émousser l’effet de la surprise et de tout ce qui l’accompagne, qui ne pourra qu’être grand, quelque chose qu’il est impossible qu’il n’en ait transpiré alors. Les états arrivant vers la chapelle où on met pied à terre seront conduits au roi, rencontrés en chemin dans le petit salon par le régent, non par cérémonial, mais voulant savoir plus clairement ce qui les amène, ne laissant pas de s’avancer toujours et d’arriver avec eux jusqu’au roi, sans avoir été plus satisfoit.

Une très courte et très respectueuse harangue annoncera l’excès de l’importance de ce qui les amène ainsi aux pieds du roi, et finira par lui demander la permission de lui présenter leur très humble requête, et de leur permettre d’attendre à Marly qu’il lui ait plu de la faire examiner par son conseil, persuadés qu’elle y sera trouvée si simple, si importante, si juste, que l’examen n’en pourra être long et qu’il leur sera favorable. La recevoir et la faire examiner n’est pas chose qui se puisse refuser. Le roi se retirera dans son appartement et le régent dans le sien avec les députés à la suite de l’affaire, qui alors s’en expliqueront nettement. Débat entre eux et le régent, qui ne trouvera pas que ce soit chose à répondre ainsi sur-le-champ, et eux qui ne se laisseront point persuader de quitter prise, et qui protesteront que les états sont résolus de ne pas sortir du salon, aux portes duquel il sera bon qu’il y ait plus que les Suisses ordinaires, pour empêcher l’entrée aux gens suspects. Les députés ne manqueront pas de récuser ceux du conseil que leur requête regarde ; et finalement le conseil sera mandé et assemblé sur-le-champ. M. le duc d’Orléans y marquera sa surprise sans s’engager en grands discours, et plus encore son étonnement et son embarras de l’opiniâtre résolution des états à demeurer dans le salon jusqu’à la réponse à leur requête, pour communiquer au conseil le même