Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/305

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nouvelles, les petites intrigues, les cabales du parlement, les discours des gens oisifs et mécontents, un reste de tribunal en peinture qui ressembloit mieux à un café renforcé qu’elle faisoit valoir tout ce qu’elle pouvoit, dans lequel elle éleva son fils sur les traces de son père. La vie de Mme de Maisons se passa dix ou douze ans de la sorte, en projets et en travaux dont la chimère et les vaines espérances la flattoient, pleine d’opulence, de santé, d’autorité sur son fils, et de celle du reste de ses charmes sur ses amis et sur tout ce qui venoit chez elle, soutenue de la considération après laquelle elle couroit, lorsque, surprise d’une apoplexie dans son jardin, elle rassura son fils et ses amis au lieu de profiter pour penser à elle d’un intervalle de peu de jours, au bout desquels une seconde attaque l’emporta, sans lui laisser un moment de libre, le 5 mai 1727, dans sa quarante-sixième année.

Son fils, longtemps fort affligé, chercha à se continuer à s’acquérir des amis, surtout à se distinguer dans son métier. Il s’y attira en effet de l’estime et du crédit, et de la considération dans le monde, comme un jeune homme tourné à devenir un grand sujet. Les exemples domestiques ne lui servirent que pour ce monde à courir après la fortune, lorsque plein de vues, et ne se refusant rien de ce que peut donner l’abondance, il fut surpris à Paris de la petite vérole. La prompte déclaration de ce mal lui tourna la tête. Il se crut mort, il pensa à ce qu’il avoit méconnu toute sa vie, mais la frayeur qui le tourna subitement à la mort ne lui laissa plus de liberté, et il mourut de la sorte dans sa trente-troisième année, le 13 septembre 1731, laissant un fils unique, qui, au milieu d’une troupe de femmes qui ne le perdoient jamais de vue, tomba d’entre leurs bras, et en mourut en peu de jours à dix-huit mois, un an après son père, dont les grands biens allèrent à des collatéraux. Je n’ai pu refuser cette courte remarque à une aussi rare impiété. Ces Mémoires ne sont pas un traité de morale ; aussi me