Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/321

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rien de tout ce qu’ils voudroient alléguer contre les jésuites, et sur les avantages que trouveroit la France d’en être délivrée, encore qu’il y eût beaucoup à dire là-dessus ; que je me retranchois uniquement sur la cause, le comment et sur les suites ; sur le comment que nous n’étions pas dans une île dont l’intérieur fût désert, comme la Sicile ; où il n’y eût qu’un certain nombre de maisons de jésuites dans deux villes principales, comme Palerme et Messine, et répandues en d’autres gros lieux sur la côte, où il avoit été aisé au vice-roi Maffei de les prendre tous au même instant d’un coup de filet, de les embarquer sur-le-champ, de leur faire prendre le large, et de faire tout de suite de leurs maisons et de leurs biens ce que le roi de Sicile lui avoit ordonné ; que ce prince de plus étoit en droit et en raison d’en user de la sorte avec des gens qui allumoient à visage découvert le feu de la révolte contre lui, sur le différend qu’il avoit avec la cour de Rome ; qui, sur des prétextes les plus frivoles d’immunité ecclésiastique qui même n’avoit pas été violée, entreprenoit d’abolir le tribunal de la monarchie accordé tel qu’il étoit par les papes aux premiers princes normands qui avoient conquis la Sicile, et l’avoient bien voulu relever [1] des papes sans aucune nécessité ni droit, tribunal sans l’exercice duquel les rois de Sicile se trouveroient privés de toute autorité, pour l’abolition duquel Rome prodiguoit ses censures, et, secondée de plusieurs évêques, de quelques-uns du clergé séculier, de presque tout le régulier, surtout des jésuites, portoit la révolte et la sédition dans tous les esprits, et en faisoit un point de conscience ; qu’en France il ne s’étoit rien passé, depuis la mort d’Henri IV jusqu’alors, sur quoi on ait pu, je ne dis pas accuser, mais soupçonner les jésuites de brasser rien contre l’État, ni contre Louis XIII, ni [contre] Louis XIV ;

  1. C’est-à-dire déclarer relevant des papes, comme un vassal relevait de son suzerain.