Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/446

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l’avoir été deux ou trois fois pour pouvoir devenir quelque chose. Si les généraux d’armée reconnoissoient par ces expériences un sujet peu capable, ils le laissoient doucement ; s’ils y trouvoient du talent et de la ressource, ils le poussoient. Par là ils étoient toujours bien servis. Les officiers généraux et particuliers sentoient que leur réputation et leur fortune dépendoit de leur application, de leur conduite, de leurs actions ; que la distinction journelle y étoit attachée par la préférence ou par le délaissement ; tout contribuoit donc en eux à l’émulation de s’appliquer, d’apprendre, de s’instruire ; et c’étoit parmi les jeunes à faire leur cour à ceux qui étoient les plus employés pour être reçus par eux à s’instruire, et à s’en laisser accompagner dans les détachements pour les voir faire et apprendre sous eux. Telle fut l’école qui de plus en plus gros détachements, qui de plus en plus de besogne importante, conduisit au grand les élèves de ces écoles, et qui, suivant la capacité, forma cette foule d’excellents officiers généraux, et ce petit nombre de grands capitaines.

Les généraux d’armée qui rendoient compte d’eux à mesure par leurs dépêches, en rendoient un plus étendu à leur retour. Tous sentoient le besoin qu’ils avoient de ces témoignages pour leur réputation et pour leur fortune ; tous s’empressoient donc de les mériter, et de plaire, c’est-à-dire de se présenter à tout, et de soulager et d’aider, chacun selon sa portée, le général d’armée sous qui ils servoient, ou l’officier général dans le corps duquel ils se trouvoient détachés. Cela opéroit une volonté, une application, une vigilance, dont le total servoit infiniment au général et au succès de la campagne.

Ceux qui se distinguoient le plus cheminoient aussi à proportion ; ils devenoient promptement lieutenants généraux, et presque tous ceux qui sont parvenus au bâton de maréchal de France, avant que Louvois le procurât, y étoient parvenus avant quarante ans. L’expérience a appris qu’ils