Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/487

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Dieu que sa promenade soit telle que je la lui souhaite J’ai été ravie d’avoir vu dans une de vos lettres que mes sentiments aient été pareils aux vôtres pendant la visite que le confident me voulut faire, puisque j’aime mieux ce qui est de sa gloire et de son service que mon contentement particulier. Je m’assure que vous n’en doutez pas. J’attendrai donc avec patience que ses affaires lui permettent de venir et remets à vous d’en juger, quand il sera temps ; car il me semble que vous jugez assez bien de toutes choses et que le mal de tête que vous avez eu ne vous en a pas empêché. Je suis bien aise que vous ne l’ayez plus, et si vous avez autant de santé que je vous désire, vous serez longtemps sans avoir aucun mal.

« Je ne sais si, à la fin, la quantité de mes lettres ne vous importuneroit point. Voici la deuxième d’aujourd’hui ; mais, si vous êtes aussi aise d’en recevoir que [moi de] vous, je suis bien assurée qu’elles ne le feront point. Je suis bien aise que les cavaliers de Guise s’acquittent si bien de leurs voyages…. Ceux qui portent cette lettre sont venus avec Gourville qu’il a amenés exprès, afin que vous sachiez son arrivée et sa diligence. Pour des nouvelles d’ici, après toutes celles que Nogent a mandées, il seroit difficile d’en dire aucune. C’est pourquoi je m’en remets entièrement à ce qu’il en a écrit. Dites au confident que je suis bien aise qu’il se souvienne de ce que je lui dis en partant et qu’il s’en acquitte, puisque, de lui, lui viendra tout son bonheur, et que lui en souhaitant beaucoup comme je fais, je suis fort aise qu’il fasse ce qu’il faut pour cela. Je ne lui écris point puisque aussi bien il faut que vous soyez l’interprète de ma lettre, qui sera pour tous deux ; mais je la finis en vous priant toujours d’une même chose, qui est de l’embrasser bien pour moi et de croire que je serai tant que Je vivrai. »

Les lettres de Mazarin à la reine sont d’un tout autre ton. Malgré la phraséologie sentimentale, il y perce un peu d’aigreur et de jalousie. Telle est, du moins, l’impression qui me paroît résulter des lettres suivantes écrites en 1659[1] :

« A Saint-Jean de Luz, 1er novembre.

« Je viens de recevoir votre lettre du 28 du passé, et je suis au désespoir de vous avoir donné sujet de me faire un si grand éclaircissement, lequel, au lieu de me consoler, me donne encore plus de peine, voyant que l’affection que vous avez pour la personne ne vous permet pas de croire qu’elle soit capable de faire jamais aucune faute. Je vous supplie d’avoir la bonté de me pardonner, si j’ai pris la hardiesse

  1. Les minutes de ces lettres se trouvent à la Bibl. Mazarine, ms. 1719 (H).