Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/497

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père de l’intendant dont on cite plus loin le journal, fut nommé greffier de ce tribunal. Il nous reste de lui un recueil des procès-verbaux sous le titre de Registres de la chambre de justice[1]. Il a fait précéder ces procès-verbaux d’un récit de l’arrestation de Fouquet rédigé d’après les documents officiels. C’est une pièce d’une authenticité incontestable où l’on trouve des détails importants :

« Le bruit d’un voyage que le roi devoit faire en Bretagne ayant longtemps couru sans que personne en pût conjecturer la cause, quoiqu’on en parlât fort diversement, Sa Majesté, partie de Fontainebleau le premier jour de septembre 1661, suivie de M. le Prince, de M. le duc de Beaufort, de MM. de Charost, de Villequier, de Saint-Aignan, de Villeroy et de peu d’autres seigneurs, prit la poste à Blois et se rendit trois jours après à Nantes.

« M. Fouquet[2], lors surintendant des finances, et qui peu de jours auparavant avoit disposé de sa charge de procureur général au parlement de Paris en faveur de M. de Harlay, maître des requêtes, partit un jour avant le roi en relais de carrosse qui avoient été disposés en divers lieux de sa marche. Mme sa femme et M. de Lyonne l’accompagnèrent jusques à Nantes, où il se rendit en même temps que Sa Majesté, bien qu’il fût travaillé d’une fièvre double tierce[3].

« M. Le Tellier, secrétaire d’État, et M. Colbert, intendant des finances, firent ce voyage en même carrosse.

« La cour étant à Nantes, le roi assista aux états de Bretagne qui avoient été convoqués et dont M. Boucherat, maître des requêtes, étoit commissaire de la part de Sa Majesté. Toute la province étoit en suspens et l’on vouloit faire appréhender au peuple quelque chose d’extraordinaire. Mais enfin on connut qu’il n’y avoit rien à craindre que pour M. Fouquet que le roi fit arrêter, et comme cette résolution étoit importante et que Sa Majesté n’en vouloit commettre l’exécution qu’à une personne de confiance, elle fit choix du sieur d’Artagnan,

  1. Bibl. Imp., ms. nos. 235-245 des 500 de Colbert.
  2. Nicolas Fouquet, né en 1615, maître des requêtes en 1636, à vingt et un ans, procureur général au parlement de Paris en 1650, surintendant des finances en 1653, mort en 1680.
  3. D’après les Mémoires de Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne, Fouquet fit une partie du voyage sur la Loire. Voici le passage (édit de M. F. Barrière, t. II, p. 187) : « M. Fouquet, accompagné de M. de Lyonne son ami intime, passa dans une fort grande cabane, à plusieurs reprises et je les saluai. Un moment après passa une autre cabane, où était M. Le Tellier avec M. Colbert ; et je les saluai encore, et Ariste dit, sans que je fusse préparé à cela : « Ces deux cabanes, que nous voyons encore l’une et l’autre, se suivent avec autant d’émulation que si les rameurs disputaient un prix sur la Loire. L’une des deux, ajouta-t-il, doit faire naufrage à Nantes. »