Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/113

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de ne se pas mettre à portée des plaintes et des sommations qu’il pouvoit s’assurer que nous ne lui épargnerions pas, si nous nous apercevions qu’il cherchât à éluder sa parole. Il nous la donna bien authentiquement de nouveau, et nous demanda la nôtre de ne rien innover de nouveau le lendemain au parlement.

Ces messieurs étoient également faibles et mécontents. Ils grommeloient sans oser s’expliquer. Ils sentoient l’importance de manquer la conjoncture ; mais accoutumés à la servitude, pas un n’osoit hocher le mors au prince qui représentoit le feu roi, dont l’ombre leur faisoit encore frayeur. Ce murmure sourd dura quelque temps.

Comme je désespérai qu’il en sortît rien de résolu, je repris la parole. Je dis à M. le duc d’Orléans que ce seroit un grand embarras que d’arrêter le lendemain tous les pairs qui s’étoient trouvés ce matin chez le duc de La Trémoille, et ceux qu’ils auroient avertis en arrivant à Paris ; que de plus, je ne voyois pas comment les persuader de la parole qu’il nous donnoit de juger en notre faveur le bonnet et les autres usurpations dont nous avions tant à nous plaindre, à moins qu’il ne trouvât bon que, en entrant en séance le lendemain, un de nous déclarât, avant toute affaire, la résolution que nous avions prise, en même temps que, par respect pour ce qu’il nous venoit de marquer qu’il désiroit de nous, et pour ne pas retarder les affaires publiques pour notre intérêt particulier, nous consentions à laisser les choses comme elles étoient jusqu’à ce que les affaires publiques fussent réglées ; que cependant nous protestions contre les usurpations, nommément du bonnet, du conseiller sur les bouts des bancs, etc. ; que néanmoins nous ne les aurions pas souffertes davantage sans la parole positive, expresse, nette, authentique qu’il nous avoit donnée de juger, et de nous faire pleine justice de toutes ces usurpations, aussitôt après que les affaires publiques seroient réglées ; et en même temps que celui qui feroit la protestation se