Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/115

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dignement faite par M. de Reims, qui par acclamation avec les autres me la remit. Je résistai, et, après avoir demandé un moment de silence, je dis que j’avois trois raisons de m’en excuser : la première, parce qu’il convenoit qu’elle se fît par le plus ancien, qui étoit M. de Reims, dès qu’il étoit présent ; la seconde, parce que, si on convenoit qu’elle se fît par un autre, cela ne pouvoit regarder que M. d’Antin, ou un de ceux par qui l’affaire du bonnet avoit principalement passé ; la troisième, parce que la connoissance que j’avois de moi-même me faisoit craindre de la faire trop fortement, surtout dans l’interpellation à M. le duc d’Orléans.

On se moqua de moi sur tous les trois. M. de Reims déclara qu’il ne la feroit point ; qu’il falloit me la laisser, parce que je m’en acquitterois mieux que personne, comme on dit toujours quand on veut se décharger. D’Antin prétendit que d’être entré dans le détail de l’affaire du bonnet n’avoit aucun trait à rendre plus propre à faire la protestation ; M. le duc d’Orléans déclara qu’il agissoit de si bonne foi, qu’il trouveroit bonne toute manière d’interpellation qui lui pourroit être faite. Le bruit confus recommença ; plusieurs me dirent à l’oreille que la protestation et l’interpellation auroient tout un autre poids dans ma bouche par la situation où personne n’ignoroit que j’étois avec M. le duc d’Orléans ; en un mot, personne ne voulut s’en charger. M. le duc d’Orléans se mit de plus belle à me presser de la faire ; il n’y eut pas moyen de m’en délivrer.

Tout réglé et convenu de la sorte, à notre grand regret a tous, il fallut voir comment avertir les absents dans un terme aussi court d’un changement si considérable, et dont il falloit qu’ils fussent instruits avant d’entrer le lendemain matin au parlement. Nous convînmes que chacun de nous enverroit chez les plus à portée de chez soi, les prier le soir même de se rendre chez l’archevêque de Reims, le lendemain à cinq heures du matin, en habit de parlement, pour