Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/119

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jubilation, que celui du premier président réfléchissoit d’une manière sensible. Aux pairs le sérieux, ce n’est point trop dire le respectueux, la lenteur, la profondeur de son inclination vers eux de tous les trois côtés fut parlante. Sa tête demeura abaissée même en se relevant, tant est forte la pesanteur des forfaits aux jours mêmes qu’on ne doute plus du triomphe. Je le suivis exactement partout de mes regards, et je remarquai sur les trois côtés également que l’inclination du salut qui lui fut rendu fut roide et courte. Pour son frère, il n’y parut que son froid ordinaire.

À peine étions-nous rassis que M. le Duc arriva, et l’instant d’après M. le duc d’Orléans. Je laissai rasseoir le bruit qui accompagna son arrivée, et comme je vis que le premier président se mettoit en devoir de vouloir parler, en se découvrant, je fis signe de la main, me découvris et me couvris tout de suite, et je dis que j’étois chargé par MM. les pairs de déclarer à la compagnie assemblée que ce n’étoit qu’en considération des importantes et pressantes affaires publiques qu’il s’agissoit maintenant de régler, que les pairs vouloient bien encore souffrir l’usurpation plus qu’indécente du bonnet, et les autres dont ils avoient à se plaindre, et montrer par ce témoignage public la juste préférence qu’ils donnoient aux affaires de l’État sur les leurs les plus particulières, les plus chères et les plus justes, qu’ils ne vouloient pas retarder d’un instant ; mais qu’en même temps je protestois au nom des pairs contre ces usurpations, et contre leur durée, de la manière la plus expresse, la plus formelle, la plus authentique, au milieu et en face de la plus auguste assemblée, et autorisé de l’aveu et de la présence de tous les pairs ; et que je protestois encore que ce n’étoit qu’en considération de la parole positive et authentique que M. le duc d’Orléans ci-présent nous donna hier au soir dans son appartement, à Versailles, de décider et juger nettement ces usurpations aussitôt que les affaires publiques du gouvernement seront réglées ; et qu’il a trouvé bon que