Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/121

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officiers, avec des soldats d’élite dispersés, l’intérieur du palais. Le duc de Guiche, démis à son fils, étoit dans la lanterne basse de la cheminée. Il avoit capitulé avec M. le duc d’Orléans, et en avoit tiré six cent mille livres pour ce service qu’il avoit eu le talent de lui faire valoir. Il s’étoit donné pendant la vie du roi pour un homme attaché aux bâtards. Ils y avoient compté, et comme on le voit, ne tardèrent pas à se mécompter. La précaution ne fut utile qu’au duc de Guiche ; tout se passa, il est vrai, peu doucement, mais sans la plus légère apparence de donner la moindre atteinte à la tranquillité parfaite.

La députation ne fut pas longtemps à revenir. Elle remit le testament et le codicille entre les mains du premier président qui les présenta, sans s’en dessaisir, à M. le duc d’Orléans, puis les fit passer de main en main par les présidents à mortier à Dreux, conseiller au parlement, père du grand maître des cérémonies, disant qu’il lisoit bien, et d’une voix forte qui seroit bien entendue de tous, de la place où il étoit sur les siéges hauts derrière les présidents près de la lanterne de la buvette. On peut juger avec quel silence il fut écouté, et combien les yeux et les oreilles se dressèrent vers ce lecteur. À travers toute sa joie, le duc du Maine montra une âme en peine ; il se trouvoit au moment d’une forte opération qu’il falloit soutenir. M. le duc d’Orléans ne marqua qu’une application tranquille.

Je ne m’arrêterai point à ces deux pièces, où il n’est question que de la grandeur et de la puissance des bâtards, de Mme de Maintenon et de Saint-Cyr, du choix de l’éducation du roi, et du conseil de régence au pis pour M. le duc d’Orléans, et de le livrer entièrement dépouillé de tout pouvoir au pouvoir sans bornes du duc du Maine.

Je remarquai un morne et une sorte d’indignation qui se peignit sur tous les visages, à mesure que la lecture avançoit, et qui se tourna en une sorte de fermentation muette à la lecture du codicille que fit l’abbé Menguy, autre conseiller